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Critiques
par Baptiste Gilbert - le 1/03/2024
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par Baptiste Gilbert - le 1/03/2024

Hotell, venez passer une nuit d’enfer

Alors que sort en librairie le second tome d’Hotell, de John Lees & Dalibor Talajic, retour sur le premier volume de cette anthologie horrifique qui réunit plusieurs histoires entrelacées, avec pour cadre commun un motel miteux cachant de nombreux secrets.

Au détour d’une route poussiéreuse comme seul l’imaginaire américain en a le secret, l’Hotell — comprenez H(ot)ell — Pierrot Courts ne se révèle pas à n’importe qui, et les clients qui le trouvent ont tendance à le regretter.

Dans ce récit anthologique, où chaque chapitre suit un nouveau personnage, les histoires se déroulent simultanément et dans un même lieu, mais pas de la même manière. Poncif de l’horreur, chaque visiteur est confronté à des cauchemars qui lui sont propres, et qui sont liés à son vécu et à ses actions. La construction scénaristique de John Lees est très maîtrisée, et les liens entre les différents évènements et protagonistes se font de plus en plus serrés à mesure que l’on progresse dans la lecture, un vrai plaisir pour notre cerveau qui connecte peu à peu les éléments, et comprend par étapes la direction générale du récit.

À la manière d’Alfred Hitchcock introduisant ses épisodes, ou du « gardien » des Contes de la crypte, chaque chapitre est présenté par le gérant de l’établissement, qui s’adresse directement aux lecteurices en faisant mine d’accueillir les prochain.nes.s client.e.s. Une manière classique de créer un fil rouge, toujours efficace lorsqu’elle est bien utilisée.

Monstres vs. humains monstrueux

John Lees met habilement en avant l’horreur d’origine humaine, celle des salauds bien réels, pour ensuite nous offrir le plaisir de la voir surpassée par une horreur surnaturelle, monstrueuse. Ou quand le pire de l’humanité est rattrapé par ses démons, toujours un plaisir. Lees n’est pas pour autant tendre avec les protagonistes qui n’ont rien à se reprocher : son Hotell se contrefiche de la balance des âmes, personne n’est vraiment épargné.

La direction visuelle de Dalibor Talajić est portée par un trait à première vue assez banal, mais souligné par un encrage épais très à propos pour renforcer son ambiance sombre. Surtout, elle prend toute son ampleur lors des scènes d’épouvante, d’une horreur frontale qui tire régulièrement vers le gore. Les visuels des créatures monstrueuses sont inspirés, flippants à souhait. C’est particulièrement le cas de leurs premières apparitions : le dessinateur fait preuve d’un talent de cadrage et de découpage certain pour créer un effet-choc, qui fonctionne à chaque fois.

On notera que l’écrin ne rend pas justice à ce récit, bien plus original et maîtrisé que ce que laissent paraître le format et la couverture – pourtant réalisée par Dalibor Talajić lui-même. De ce point de vue, la couverture du tome 2 est bien plus réussie. Avantage de l’anthologie, le premier tome d’Hotell se suffit à lui-même et forme un récit complet satisfaisant. Ceux qui en veulent davantage pourront quant à eux enchaîner avec le tome 2. 

Avec Hotell, John Lees & Dalibor Talajic proposent une nuitée de très bonne qualité (petit déjeuner inclus seulement pour les survivants). Un choix garanti pour les voyageurs de l’horreur qui voudraient s’offrir une parenthèse pas si enchantée.

Hotell de John Lees, Dalibor Talajic & Lee Loughridge, Black River (2 volumes dispo)

Traduction de Sandy Julien


© John Lees / Dalibor Talajic / Lee Loughridge / Black River / AWA
© John Lees / Dalibor Talajic / Lee Loughridge / Black River / AWA
© John Lees / Dalibor Talajic / Lee Loughridge / Black River / AWA
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