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Critiques
par Baptiste Gilbert - le 23/02/2023
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par Baptiste Gilbert - le 23/02/2023

Oshi No Ko, plongée dans les méandres du star-system japonais

Oshi No Ko est la nouvelle œuvre d’Aka Akasaka et Mengo Yokoyari, éditée par Kurokawa. Le scénariste et la dessinatrice nous embarquent dans un seinen surprenant et plein de rebondissements au cœur du star-system japonais, entre rêves et (grosses) désillusions.

Ne vous fiez pas à l’enrobage : Oshi No Ko n’est pas une histoire de magical girls à la Sailor Moon, ni un manga particulièrement “girly”. Cette fiction d’Aka Akasaka, au scénario, et Mengo Yokoyari, au dessin, est en fait un seinen prépublié dans le Weekly Young Jump, l’équivalent du Weekly Shonen Jump pour un public un peu plus âgé. L’action se situe dans le monde du spectacle au Japon, en particulier du côté des “idols”, ces groupes de jeunes (voire très jeunes) chanteuses et danseuses souvent créés de toute pièce par des agences artistiques.

Le pitch lui aussi est trompeur : On nous présente le docteur Goro, un obstétricien de campagne dont la vie va être bouleversée lorsqu’une jeune idol — dont il est un “fan absolu” —, Ai Hoshino, devient sa patiente afin d’accoucher dans le plus grand secret. Sans spoiler, on peut déjà vous dire que ni le docteur Goro ni Ai Hoshino ne seront les personnages principaux de cette histoire.

Un long prologue qui enchaîne les twists

Le premier tome d’Oshi No Ko se révèle être en fait, de l’aveu même du narrateur, un long prologue. Il faut attendre la fin de celui-ci pour réellement comprendre la direction que va prendre l’histoire. On ne s’ennuie pas pour autant, car les rebondissements s’enchaînent à une vitesse folle. Ce premier volume s’appuie également sur de forts éléments fantastiques liés au concept de réincarnation, qui auront un large impact, mais ne seront plus au centre de l’histoire dans les tomes suivants.

© Aka Akasaka / Mengo Yokoyari / Kurokawa / Shūeisha

Bien que haletant, ce prologue est donc assez peu représentatif de la suite de l’œuvre, qui sera ancrée dans un peu plus de réalisme (on a bien dit “un peu”). Les éléments fantastiques issus du premier tome fournissent une parfaite excuse aux auteurs pour explorer les différents aspects de cet univers du spectacle, entre groupes d’idols, agences artistiques, professionnels du cinéma, de la musique ou du mannequinat, émissions de télé-réalité, et même influenceurs, inscrivant le récit dans notre époque contemporaine.

Critique du star-system

Suite à un évènement dramatique majeur au terme du premier tome, l’ambiance alterne entre enquête, drame et humour. Autour de ce scénario central, les auteurs abordent de multiples sujets relatifs au monde du spectacle japonais : La faible rémunération des idols, la compétition entre jeunes talents, les maigres chances de succès malgré les sacrifices, les critiques et le harcèlement sur les réseaux sociaux, ou encore la passion maladive de certains fans. Avec en toile de fond la fausseté des relations entre les agences, les artistes, et leur public, qui cherche la perfection chez des êtres humains forcément imparfaits.

© Aka Akasaka / Mengo Yokoyari / Kurokawa / Shūeisha

Le traitement des très jeunes dans ce milieu est également central, avec le sujet des enfants stars pour qui la reconversion peut être extrêmement difficile dès l’adolescence, mais aussi celui des idols, qui sont souvent de très jeunes filles exploitées par une industrie écrasante et confrontées au regard malsain de certains adultes. On peut ici faire un parallèle avec l’excellent Perfect Blue de Satoshi Kon, qui traite de ces mêmes sujets. L’ambiance d’Oshi No Ko est toutefois beaucoup moins pesante que celle du long métrage de 1997.

Le style adopté par la dessinatrice Mengo Yokoyari est très classique, mais fait en l’occurrence très bien le travail. La représentation lisse et sans défaut des personnages se prête parfaitement à l‘univers décrit, où le physique des stars doit répondre à des critères bien ancrés et uniformisés. On pourrait même élargir le parallèle en imaginant que le propos de l’œuvre sur le public des idols, qui cherche chez elles une fausse idée de la perfection, peut être étendu à certains lecteurs de manga qui consomment des histoires visuellement uniformisées. Et à ce titre les couvertures sont un très bon exemple : les jeunes femmes représentées, en tenues et positions “kawaii”, cachant tout autre chose quand on s’intéresse au sujet.

Oshi No Ko compte déjà dix tomes au Japon, tandis que le sixième est sorti chez nous début février. Une œuvre qui prend tout son sens à l’issue du premier tome, et qui explore avec un œil critique les différents aspects du monde du spectacle au Japon.

Oshi No Ko, de Aka Akasaka et Mengo Yokoyari, Kurokawa (6 tomes disponibles en février 2023)


Illustrations : © Aka Akasaka / Mengo Yokoyari / Kurokawa / Shūeisha

© Aka Akasaka / Mengo Yokoyari / Kurokawa / Shūeisha
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