Présenté lors de la conférence Delcourt à l'occasion de la dernière édition en date du festival d'Angoulême, Cette Machine Tue les Fascistes avait su capter notre attention. Sans doute grâce à un titre accrocheur, qui reprend les mots du musicien américain et communiste, Woody Guthrie. Un titre derrière lequel se cache d'ailleurs un concept tout aussi intriguant.
Passionné d'histoire, l'auteur, Jean-Pierre Pécau (que l'on connaît tous pour Jour J), a en effet voulu, avec cette bande-dessinée, rendre hommage à un illustre western, Winchester 73', dans lequel un modèle de la célèbre carabine passait de mains en mains. Même principe ici, avec un char d'assaut cette fois, le Josef Stalin-2 (ou IS-2), considéré par de nombreux historiens militaires comme le meilleur char de la seconde guerre mondiale.
Evidemment, ce principe narratif conduira le véhicule au-delà du second conflit mondial, pour l'emmener dans d'autres guerres, dans lesquelles il combattra pour l'URSS, puis d'autres causes, peut-être plus floues. Car tout l'intérêt de cette bande-dessinée, on l'imagine sans mal, est de dénoncer toutes les formes de fascisme qui pèsent sur nos têtes, qui seront délivrées par l'acier et la poudre de ce tank si particulier.
Si le propos de Pécau mériterait d'être plus tranché, l'expérience reste plaisante, et nous offre le temps de nous poser les bonnes questions entre deux ellipses, nécessaires à la bonne conduite du principif narratif, mais qui restent à double-tranchant, comme toujours : les curieux pardonneront au récit ces petits accrocs, par respect pour l'exercice de style, mais les autres pourraient décrocher.
Côté dessins, Damien, Senad Mavric et Scarlett Smulkowski tirent leur épingle du jeu avec un style certes très académique, mais qui taille la part belle aux engins militaires et à leur technicité : indispensable quand on sait que le véritable personnage de cette bande-dessinée n'est autre qu'un Tank. Quelques planches s'avèrent plus originales que d'autres, mais l'ensemble reste très, peut-être trop, classique.
Bien heureusement, l'édition a le bon goût de mettre leurs talents au service d'un cahier technique plutôt sympathique, qui ravira les passionnés d'histoire militaire et autres modélistes qui se cachent parmi vous. Ce bonus non-négligeable renforce d'ailleurs l'aspect très conceptuel de cette bande-dessinée.
Pas tout à fait une bande-dessinée historique, ni une histoire orientée vers les faits d'armes, Cette Machine Tue les Fascistes est avant tout un joli exercice de style qu'il convient tout de même de réserver aux amateurs du genre et aux curieux, qui sauront dépasser un trait très académique pour mieux profiter du concept développé par Pécau et ses dessinateurs.