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Critiques
par Arno Kikoo - le 14/03/2024
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par Arno Kikoo - le 14/03/2024

Filles Uniques : adieux déchirants à une grande série

Démarrée en 2021, la série Filles Uniques se conclut en ce début d’année avec la parution de son cinquième et dernier tome. L’occasion de souhaiter bonne route à Paloma, Céleste, Sierra, Apolline et Chélonia, qui n’auront jamais cessé de nous captiver et émouvoir tout au long de leurs récits.

C’est l’histoire de cinq jeunes filles un peu à part dans un même lycée. Sous l’impulsion de Chélonia, elles forment un petit club pour s’entre-aider et surpasser les défis de leurs quotidiens, mais surtout affronter leurs problèmes les plus profonds. Depuis le début avec sa position de leadeuse, Chélonia semblait à part des autres, peut-être trop parfaite dans sa bienveillance naturelle et sa façon de trouver presque toutes les solutions aux problèmes des autres par ses compétences informatiques. Ce cinquième tome de Filles Uniques vient remettre quelques points sur les i en explorant le passé de la jeune femme, fait de meurtrissures insoupçonnées, qui donneront lieu à l’un des échanges les plus poignants de la série.

Filles Uniques s’est caractérisée tout au long des cinq albums par la justesse de son écriture. Le duo BeKa (composé de Caroline Roque et Bertrand Escaich) fait des cinq « filles uniques » des personnages particulièrement humains, dont les histoires personnelles permettent au duo de scénaristes d’évoquer des sujets parmi les plus difficiles qui soient, avec des expériences différentes du traumatisme pour chacune, mais – et c’est là le tour de force – sans jamais sombrer dans le pathos. On y évoque le rejet des autres, l’auto-détestation, le repli sur soi, des relations parents/enfants sordides… Un ensemble de comportements et de situations contre lesquelles Paloma et ses amies font face, avec leurs maigres moyens, et par leur sororité à toute épreuve. Sans niaiserie aucune : il ne s’agit pas de vaincre l’adversité par un quelconque « pouvoir magique de l’amitié », mais de simplement se réunir. S’écouter. Se parler.

Un ascenseur émotionnel à mettre entre toutes les mains

L’élan positif qui réunit ces cinq filles contrebalance les thématiques très lourdes évoquées autour de la série, Chélonia ne faisant pas exception à la règle. Entre les troubles personnels de cette dernière, les manigances du père de Céleste et l’ombre de celui d’Adrien, ce cinquième album est loin d’être avare en intrigues secondaires. On sera d’ailleurs même surpris de voir la série se conclure avec tant de pistes narratives ouvertes. Mais c’est aussi ce que nous apprend Filles Uniques. A présent que les lectrices et lecteurs ont pu voir ce dont elles sont capables d’accomplir ensemble, on peut se permettre de leur lâcher la main et les laisser vivre dans nos têtes, quoique ces adieux fussent douloureux. On imagine qu’il a été difficile aussi pour l’équipe créative de leur dire au revoir.

©BeKa / Camille Méhu / Dargaud

Au-delà de ses intrigues prenantes par leur rapport au réel et la justesse de l’écriture, Filles Uniques s’est aussi montrée impeccable du début à la fin par l’approche artistique de Camille Méhu. La dessinatrice diplômée de la prestigieuse école des Gobelins, dont l’esthétique rappelle à la fois l’animation japonaise aussi bien que le dessin en ligne claire de notre BD franco-belge, est tout bonnement excellente. Dans son approche du chara-design, puisque chacune des protagonistes voit sa personnalité amplifiée par l’apparence que lui a donnée son artiste. Aussi dans le découpage et la mise en scène, qui profitent à l’évidence du parcours dans l’animation de Camille, mais aussi dans l’utilisation des couleurs, de certains effets de flou qui convoquent des ambiances très différentes. Jamais des aplats de gris n’auront eu autant d’importance, autant d’un point de vue purement visuel que narratif.

En somme, Filles Uniques est un ascenseur émotionnel à mettre entre toutes les mains, qui garantit à quiconque pose ses yeux dessus une aventure aussi agréable visuellement que forte dans les sentiments qu’elle provoque. Ce dernier tome consacré à Chélonia gomme les quelques facilités qui résidaient dans ce personnage pour en faire une fille elle aussi unique en tous points de vue. La frustration de ne pas avoir un point final complet est contrebalancée par les souvenirs indélébiles que la série a pu donner – offrant ici quelques passages on ne peut plus touchants – comme ce câlin au bord d’une fenêtre, où se mêlent tristesse et soulagement au terme de ce qui aurait pu être une terrible tragédie.

Ne reste qu’à espérer que le projet de série animée développé par Parmi les Lucioles arrive rapidement – et pourquoi pas, sur le long terme, une intégrale chez Dargaud qui viendra rappeler que Filles Uniques a été du début à la fin, une très grande série.

Filles Uniques, de BeKa et Camille Méhu, Dargaud (série complète en cinq tomes)


Toutes les images sont ©BeKa / Camille Méhu / Dargaud

©BeKa / Camille Méhu / Dargaud
©BeKa / Camille Méhu / Dargaud
©BeKa / Camille Méhu / Dargaud
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