La légèreté. C’est un mot que l’on ne rencontre pas souvent dans nos vies plutôt intenses et notre quotidien souvent pesant. C’est le titre de cet album de Catherine Meurisse qui signe des planches très personnelles, un témoignage émouvant après les attentats contre les dessinateurs de Charlie Hebdo en janvier 2015. Ne pouvant plus dessiner, ne pouvant plus vivre après cette expérience extrême, elle cherche à se réfugier dans la beauté, à tenter de ressentir à travers les paysages et les œuvres d’art pour provoquer un choc. Un choc esthétique qui pourrait compenser le choc psychologique vécu en janvier et la dépression qui a suivi. Elle demande alors asile à la Villa Médicis à Rome, dernière étape de ce voyage initiatique au milieu des œuvres du passé et de créateurs contemporains qui partagent avec elle cette résidence d’artistes hors du commun.
Après tant de violence et de stress, elle perd la mémoire, ne parvient pas à se fixer dans l’instant présent, rien n’a de sens et elle ne peut plus dessiner. Ses planches sont pleines de changements de traits, d’esquisses et de tentatives pour se réapproprier un geste qui était une part indissociable de sa personnalité. Ce livre agrège des dessins faits à différentes périodes, sa quête du beau la pousse à expérimenter la couleur, à laisser l’émotion envahir le dessin -elle qui a un sens formidable de la phrase et du mot.
Peu de livres à ma connaissance nous offrent une plongée dans la création et son mécanisme, dans le besoin de création et de contemplation d’œuvres comme nécessité face à la violence du monde. Certains albums vous touchent plus que d’autres, parfois la justesse du propos, l’évocation d’un trait active des sensations et des souvenirs enfouis. Une expérience individuelle qui s’approche de l’universel, voilà la marque des grandes œuvres.
La légèreté de Catherine Meurisse, Dargaud
Images extraites de l’album © Catherine Meurisse/Dargaud