En 1939, la seconde guerre mondiale débutait et tous les hommes de moins de trente-cinq ans étaient peu à peu appelés au front. Mais si seuls les hommes étaient appelés à combattre, qu'en était-il des femmes restées en arrière ? C'est le thème de la bande dessinée Les Louves, de Flore Balthazar. En décembre dernier, on vous parlait de ce one shot prometteur prévu chez Dupuis. L'album est sorti vendredi dernier et c'est l'occasion de nous faire enfin un avis !
Dans Les Louves on suit l'histoire de la famille Balthazar, celle de l'autrice donc, qui n'est pas encore née à l'époque. Flore Balthazar s'est inspirée des souvenirs d'une personne de sa famille alors adolescente à l'époque, Marcelle. Alors que sur le front, la guerre commence à faire rage, le père doit partir combattre. Il laisse derrière lui sa femme et leurs cinq enfants, qui vont devoir vivre sous l'occupation. Durant cinq longues années, la famille vivra dans la peur des bombes, l'angoisse de l'attente, et surtout la menace de l'occupant.
Raconter le quotidien
Le découpage de la BD est assez particulier : le but est de raconter des anecdotes séparées les unes des autres, qui mises bout à bout nous permettent de ressentir l'ambiance et la pression sous l'occupation. Les histoires vont des plus légères, quand la mère de Marcelle cuisine des frites pour remonter le moral de la famille, aux plus dures quand toute la maisonnée tremble au sous-sol tandis que le quartier se fait piloner par les bombes. Régulièrement, des passages plus poétiques nous montrent l'avancée de la guerre en représentant les peuples par des loups.
Le but, c'est de montrer le quotidien durant l'occupation. Et le quotidien par définition c'est parfois joyeux, parfois triste, parfois dur, parfois merveilleux. A leur façon à elles, les femmes restées en arrière luttent en parvenant à conserver leur joie de vivre, malgré le bruit régulier des bottes des troupes allemandes qui patrouillent dans les rues. Au fil des anecdotes, un découvre les petits actes de résistance où des anonymes décident de prendre des craies pour tagger les murs de messages de libertés. Et des gestes héroïques aussi, comme lorsque l'institutrice du village enfourche sa bicyclette pour livrer des journaux de résistants.
La Seconde Guerre Mondiale telle qu'on la voit rarement
Vous le savez peut-être, quand on reçoit une BD traitant de la première ou la seconde guerre mondiale à la rédac, souvent on la file à republ33k. Ce passionné a par exemple beaucoup aimé Darnand, le Bourreau français. Personnellement, je ne suis pas vraiment fascinée par cette période de l'histoire de France. Pourtant, Les Louves a réussi à m'accrocher : on s'attache à cette famille tiraillée, plongée dans l'angoisse par le départ du père mais forcée à aller de l'avant. Parce que cinq ans à tirer la tronche, ça ferait long.
Si cette narration par anecdotes est vraiment intéressante et permet de dessiner une ambiance générale de l'époque, elle est parfois aussi un peu frustrante. On a envie de voir certains protagonistes plus approfondis, d'en savoir plus sur ce qui est arrivé à tel personnage, ou de comprendre le pourquoi de tel événement. A la fin de l'oeuvre, un texte nous donne plus de précisions sur l'histoire de la famille, mais celui-ci est selon moi trop dense : certains détails auraient mérité d'être distillés dans la BD, plutôt que détaillés à la fin.
Dans l'ensemble, Les Louves est vraiment une belle oeuvre. Flore Balthazar nous dévoile à travers son travail une partie de l'histoire de sa famille, certes romancée pour être plus facilement racontée. De cette façon, on découvre les ressentis, l'appréhension et les petits moments de joie de ceux restés derrière, dans l'attente et sous l'occupation. Une BD de 200 pages à retrouver chez Dupuis au prix de 18 euros.