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Critiques
par Thomas Mourier - le 1/02/2022
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par Thomas Mourier - le 1/02/2022

MFK 2 : retour aux sources pour la saison 2 de Mutafukaz

L’univers de Mutafukaz n’a pas fini de s’enrichir, après le succès de la série dès 2006, plusieurs spin-off avaient vu le jour avant l’adaptation en long-métrage puis les reboots méta ou western… Et là, début 2022, la saison 2 de la série originelle —MFK2— débarque pour un nouveau cycle.

MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 

Sept ans après la fin de la série avec la publication du T5 : V, Angelino et Vinz ont essayé d’oublier les événements sombres qui ont enflammé Dark Meat City. Sept ans dans la fiction, mais aussi dans la réalité pour Run qui se remet au dessin pour ce deuxième arc qui prend la suite directe des 5 premiers volumes, lui qui a partagé son univers avec pas mal de dessinateurs. 

En pleine production de la série Mutafukaz (5 vol., dispo en intégrale), il propose un prequel It came from the moon (devenu le T0), où il partage le dessin avec Bicargo et raconte des événements antérieurs au Big One qui a détruit une partie de la Californie sur laquelle est bâtie Dark Meat City. Puis ce sera Mutafukaz’ Puta Madre, avec Neyef au dessin, qui explore la vie du personnage de Jesus dans une mini-série qui pourrait presque se lire de manière indépendante comme la suivante. Ce sera Mutafukaz – Loba Loca, avec Guillaume Singelin au dessin, qui s’attaque à l’univers des luchadores à travers le destin de Guada (les persos font d’ailleurs un caméo dans MFK 2, pour rappeler cet univers partagé). 

En plus des séries dérivées, l’auteur avait également laissé la possibilité à Jérémie Labsolu de revisiter ses personnages dans Métamuta (avec un style plus pictural et une narration plus fragmentée) dans une histoire complète qui offre un point de vue intéressant et graphique sur l’univers de Mutafukaz. Et plus récemment Mutafukaz – 1886, avec Simon Hutt au dessin, qui reprend l’intrigue & les perso à la sauce western, Run réécrit son premier arc dans une Californie qui n’est plus l’Amérique usée, mais celle pleine d’espoir de la conquête de l’Ouest. 

Impossible de finir ce récap’ sans mentionner le long-métrage Mutafukaz, que Run a co-réalisé avec Shōjirō Nishimi en 2017, avec les voix d’Orelsan & Gringe en Lino & Vince, actuellement dispo sur Netflix. Ce film d’animation reprend dans les grandes lignes le premier arc de Mutafukaz. Car le T5 : V était le point final, mais revoilà nos héros forcés de reprendre du service, pour notre plus grand plaisir. 

See ya Dark Meat City

© Run / Rue de Sèvres / Label 619

Il faudra une fusillade dans un restau de Little Tokyo pour que Lino se remette en quête de son destin. Mais si l’on retrouve Dark Meat City c’est pour mieux la quitter, le dessinateur propose cette fois un road trip à travers l’Amérique d’aujourd’hui. À bord d’un camping-car qui n’a rien à envier à celui de Dumb & Dumber, nos deux héros vont fuir la ville et découvrir l’Amérique profonde, avec un premier stop pour retrouver Willy, qu’ils ont perdu de vue depuis la fin du dernier volume. 

Et Run va s’en donner à cœur joie pour représenter cette Amérique des marges, des gangs de Dark Meat City aux sectes survivalistes perdues dans le désert, sans oublier les militaires barjo, les politiciens véreux et les scientifiques dépassés qui ont fait le succès de la « saison 1« . Si Angelino devient l’ennemi public N° 1 son parcours ne sera que fuite en avant, tandis que le monde s’enlise dans sa lutte contre les extraterrestres et que l’on va découvrir une étrange créature sortie d’un accélérateur de particules expérimental qui va rapidement nous devenir familière. 

Cette nouvelle époque est aussi le retour de Run au dessin. Le style a un peu évolué, toujours très maîtrisé et stylisé, mais avec un peu plus de rondeur pour les personnages. Les cadrages et la mise en scène ont gagné en dynamisme, et la série renouvelle sa hype graphique. On sent tout le plaisir dans les scènes d’action avec ses jeux de plans, ses visions décalées de l’Amérique et l’album n’échappe pas à quelques ruptures graphiques qui servent la narration, la séquence du rêve ou celle de la « légende de Willy » marchent bien avec leur côté plus pictural (en aquarelle en couleur directe) en vis-à-vis du style plus encré du reste de l’album ou des inserts (faux téléphones, pubs,…) 

Nouvelle aire, mais mêmes goods vibes, les scènes de bastons sont toujours jouissives et baroques, les tarés qui tiennent ces armes le sont encore plus et tout ce beau monde gravite dans un univers de complots. 

Riche en Omega (cheval de) 3…

MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 
© Run / Rue de Sèvres / Label 619

Si les théories du complot étaient au cœur du projet de Mutafukaz saison 1, elles deviennent parties intégrantes de la narration dans MFK saison 2. Cette fois les réseaux sociaux intègrent certaines cases —jusqu’à occuper une double page complète— et alimentent l’histoire ou participent de l’ambiance du livre, à l’image de la place qu’ils ont pris dans nos vies.

De vraies-fausses publications partagées par eux, ou d’autres, qui permettent d’asseoir le propos, mais aussi de décaler avec pas mal de traits d’humour. Cette saison 2 reste pleine d’esprit et tourne en dérision notre époque bien chargée. Le dessinateur sème aussi des clins d’œil à cette nouvelle pop culture propre aux réseaux, le visage du personnage David Goodenough du Joueur du Grenier apparaît dans une pub pour un avocat ; ceux de McFly et Carlito dans une trilogie version reptilienne « McFly & Carnosaur » projetée dans un cinéma de plein air du Nevada. 

Derrière tous ces écrans : les thèses complotistes qui pullulent, les vidéos poubelles, les tweets haineux, les commentaires ambigus, avis en ligne… Le scénariste doit passer pas mal de temps sur les réseaux pour rendre aussi bien la folie créative de ces messages. 

Pas mal de clins d’œil aux « stars » du complotisme mondial avec : Donald Trump et ses tweets féroces (ici il est incarné par le héros de comics Archie qui aurait mal tourné), et Qanon, que le monde à découvert avec la prise d’assaut du Capitole des États-Unis, se retrouve incarné sous le nom d’Omega dans la BD. 

Complot ultime : Willy se demande à haute voix « C’est fou, on pourrait croire qu’il y a quelqu’un là haut, qui écrit tout ce qui nous arrive… Un genre de scénariste quoi.. Ça vous le fait jamais ? » 
« Non. » lui répond un personnage hors champ. Lino ? Vince ? L’auteur ? En tout cas, ce sera une théorie avérée pour nous lecteurs, tandis que les persos continuent leur voyage vers Vegas. 

Un premier volume qui ouvre une saison 2 avec de nouveaux enjeux en gardant une approche politique, humoristique et graphique qui ravive la flamme de la série d’origine.

Run explore le lore & l’univers avec un angle nouveau et si vous êtes curieux vous pouvez découvrir son interview enregistrée en direct ici :

MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 


Toutes les illustrations sont © Run / Rue de Sèvres / Label 619

🎧 Découvrir Mutafukaz de A à Z, des originnes à MFK2 avec le Mutafucast, une série de podcast de First Print avec un épisode par semaine. 1er épisode :

Sans oublier le trailer officiel réalisé par Yuzu Studio pour le Label 619 sur une musique de The Toxic Avenger.

MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 
© Run / Rue de Sèvres / Label 619
MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 
© Run / Rue de Sèvres / Label 619
MFK 2 de Run, Rue de Sèvres / Label 619 
© Run / Rue de Sèvres / Label 619
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