Il y a ce titre 'Salto - L'histoire du marchand de bonbons qui disparu sous la pluie' et cette couverture intrigante. Qu'est ce qui se cache vraiment derrière ?
La vraie vie des anges gardiens.

Cette histoire se déroule entre 2006 et 2010. Miguel rêve d'être écrivain. En attendant il est marchand de bonbons, mais son caractère fantasque et rêveur met souvent sa famille dans le pétrin. Un jour il a une idée de génie qui pourrait tout changer : le Pays Basque recrute des gardes du corps pour protéger juges, politiciens, fonctionnaires menacés par l'ETA. De quoi gagner un salaire conséquent et vivre une vie inspirante pour son roman.
C'est décidé, lui, sa femme et leurs deux enfants quittent la côte méditerranéenne espagnole et emménagent à Pamplona. Miguel démarre son nouveau travail. Il plonge alors dans un quotidien très, très loin de ce qu'il avait imaginé.
'Qu'est ce qu'on peut espérer sur une terre où la vie a le même prix qu'une balle ?'

Mark Bellido, le scénariste de Salto, a rééllement travaillé pendant quatre ans comme garde du corps de politiciens basques menacés par l'ETA. Autant dire que son récit sent le vécu, dans les petits détails comme dans les désillusions qui émaillent le parcours de Miguel. Son héros rêvait d'un job digne d'un film d'action, sans bien savoir dans quoi il mettait les pieds. Sans aucune formation ni prédisposition pour le job, le voilà qui se retrouve à coller au train un vieux politicien, sept jour sur sept, dépendant des envies de l'homme qu'il doit surveiller. Très vite, il ne voit plus ses enfants, et ses relations avec sa femme se délitent. Et si chaque jour ressemble au précédent, il est nécessaire de ne pas relâcher la tension : la menace est bien réelle.
De l'ETA et de la situation au Pays Basque, on ne connait souvent que quelques images tirées des journaux télévisés. Le cinéma nous fait fantasmer le travail de garde du corps, mais cette bande dessinée nous en montre une version bien moins reluisante mais qui sonne plus juste. Un homme comme les autres, un père de famille joyeux, se retrouve à dormir avec une arme sur sa table de nuit et à vérifier que sa voiture n'est pas piégée à chaque fois qu'il y monte. Un quotidien morne où la mort ne plâne jamais loin et où la vie n'a plus vraiment de sens. Salto est un récit fleuve où il ne se passe pas grand chose et on peut parfois trouver le temps un peu long. Toutes les journées se ressemblent et Miguel s'éloigne sans le vouloir des siens. Mais c'est aussi entre les lignes un témoignage à part. Mark Bellido nous confronte à la vérité. Celles de ces hommes en noir à l'arrière plan, dont le rôle est de risquer leur vie pour protéger celle de quelqu'un d'autIls semblent faire partie du décor et sont pourtant eux aussi humains, avec une famille, des problèmes et des sentiments. Si le sujet est assez déprimant, l'auteur distille aussi dans son récit humour et auto-dérision qui rendent l'ensemble plus léger.
Le trait de Judith Vanistandael est gracile. Le dessin est parfois assez inégal (de son propre aveu, l'auteure n'aime pas vraiment dessiner des armes et des voitures) mais la colorisation aux crayons de couleur est très belle, apportant une forme de poésie et une lumière diffuse à l'atmosphère pluvieuse de cette histoire. Les teintes sont assez tristes et ternes, collant parfaitement au vécu du héros. L'encrage varie beaucoup d'un passage à l'autre, appuyant des ambiances diverses sur les plus de 350 pages que compte la bande dessinée. Si le dessin s'attache à montrer le quotidien, réaliste, quelques doubles pages se font plus viscérales, racontant visuellement les émotions difficiles qui traversent le héros, qui tente malgré tout de garder le cap.

Salto, L'histoire du marchand de bonbons qui disparut sous la pluie est un polar réaliste. Parce qu'il s'attache à être juste, à raconter la vraie vie, il pourra sembler un peu terne (comme peut l'être parfois la vie), mais n'en reste pas moins un témoignage sincère de ce qu'est le quotidien d'un garde du corps.






