Oui, oui, VOF, pour version originale française. Après tout, quand on arrive à trouver des livres de SF/fantasy écrits par des français, faut le signaler. Oui, bon, d’accord, j’exagère un peu, mais il faut reconnaitre que les anglo-saxons possèdent une bonne part du marché.
Au programme du jour, Bankgreen, de Thierry DiRollo, un roman de fantasy fortement teinté de philosophie. À moins que ce ne soit l’inverse ?
Œuvre
Titre : Bankgreen
Cycle : Bankgreen – Tome 1
Auteur : Thierry Di Rollo
Première publication : 2011
Synopsis personnel
Sur Bankgreen la mauve et noire, tout a une raison.
Encore fait-il la trouver. Pourquoi les Varaniers, cet ordre aussi ancien que Bankgreen elle-même, déclinent-t-ils ? Pourquoi les Varaniers meurent-ils, eux qui ne savaient même pas qu’ils étaient mortels, qui ne savent même pas ce qu’EST la mort ?
D’entre eux, seul Mordred le sait peut-être, seul des Varaniers qu’il est à posséder le don de voir la mort – celle de chaque être qui croise son chemin. Mais Mordred, désormais le dernier des Varaniers, n’a pas les réponses. Il ne peut qu’attendre, patiemment, indifférent aux cycles qui passent. Mais qu’attend-il, en réalité ? Le sait-il lui-même ?
Un extrait pour se mettre dans le bain ?
"Bankgreen n’est que le versant habité des Morts", clame Irana au matin naissant.
Personne ne l’a entendue. Seules les odeurs entêtantes des champs, en contrebas, lui rappellent qu’elle est peut-être une Digtère, ailleurs, et pour plusieurs cycles encore avant que la Vie n’en termine aussi avec elle. Alors, terrifiée par la froidure du vide, Irana tressaille : une main vient coiffer son sein, une bouche picore de baisers mouillés son cou. Elle s’enquiert, indolente :
"Qui es-tu ?
– Je n’en sais plus rien", dit la voix ancienne.
La peau brûlante contre son dos. Un sexe absolu pénétrant son ventre, encore et toujours. Les souffles qui s’accélèrent, s’accordant l’un à l’autre.
Tout Bankgreen s’amplifie dans les lueurs orangées, les trainées rougies et crémeuses des nuages au-dessus de l’Orman, les bruits indistincts de la plaine, le cri des animaux. Et la conscience multiple d’Irana comprend ce que le vent apporte aux vivants.
Ivre de pouvoir et d’éternité, et désespérément seule, elle peut enfin desserrer l’étreinte de ses deux doigts : le narcoïde purgé de son humeur roule quelques instants sur la pierre du parapet, tombe dans les contreforts du belvédère. Puis la Digtère glisse une main sur la hanche de son amant, pour l’encourager, défier inutilement la Mort. Elle comprend.
Le vent sait que nous ne sommes rien, parce qu’il a appris depuis toujours à nous contourner.
Dans le matin qui grandit, Irana pleure et sourit.
Impression générale
Un sentiment de... vide. D’avoir assisté en spectateur à un exercice de style, à une méditation philosophique sur la mort, et pas d’avoir levé le voile sur un coin de monde. En fait, je n’ai pas réussi à entrer dans le livre.
Pourtant, j’aime les défis stylistiques, les phrases complexes, poétiques, évocatrices ou même obscures, à la plume acérée et au vocabulaire soutenu ou désuet... (Un jour, bientôt, je vous parlerai de la Horde...) Tout ça pour dire que l’écriture de DiRollo avait à priori tout pour me plaire.
Mais le charme n’a pas pris. Je ne suis pas rentré dedans. J’ai survolé Bankgreen, ses paysages dévastés, les êtres torturés qui la peuplent, la mort qui marche librement à sa surface... J’ai survolé Bankgreen sans jamais réussir à m’y poser, et plus important pour moi, sans réussir à m’attacher aux personnages – silhouettes trop fugaces pour qu’un lien ait le temps de se forger (à l’exception peut-être d’Irana, la seule qui m’ait touchée).
Ce que j’ai aimé
La noirceur sans concession du livre. Bankgreen est un monde sombre, désenchanté, violent, presque amoral, où la mort est omniprésente, où les êtres ne sont que de passage, simples pions dans un jeu trop grand pour eux. Quant à Mordred le varanier, à l’image de Bankgreen, c’est un personnage mystérieux et glaciel, distribuant la mort sans la moindre hésitation... sous le prétexte que celle qu’il voit chez ses adversaires est pire que celle que sa lame délivre.
Le style. La plume de DiRollo, cruelle ou poétique suivant les pages et les descriptions mais toujours ciselée à l’extrême, rend à merveille le monde de Bankgreen. Il se dégage des phrases de l’auteur une certaine poésie sombre, lugubre parfois, mystérieuse souvent, presque envoûtante. C’est beau, et totalement adapté.
Ce que je n’ai pas (ou moins) aimé
Mordred ! Pour un personnage principal, il manque singulièrement de consistance. Ne serait-ce que parce qu’on ne sait rien de lui, de ses objectifs, de ses ressentis, de... de tout ce qui fait qu’il est lui. Du dernier des varaniers, on ne connait que son désintérêt du monde et sa froideur presque cruelle. La quatrième de couverture le compare à Elric de Melniboné, né sous la plume de Michael Moorcock. Non. Non, non, non. Elric, en dépit de ses défauts – ou à cause d’eux –, est profondément humain, dans ses actes, ses choix, ses souffrances ou ses plaisirs. C’est ce qui le rend si attachant. Mordred n’est que le néant sous une armure humanoïde.
Un univers intéressant mais qui ne se dévoile malheureusement pas assez. J’aurai aimé avoir plus de réponses à mes questions, avoir plus de clés sur Bankgreen et ceux qui la peuplent, découvrir davantage ce monde. En l’état, ma curiosité – j’aime les bâtisseurs d’univers – est loin, très loin d’être assouvie, qu’elle concerne la planète en elle-même, son histoire, les différents peuples qui la peuplent, leurs mœurs et leurs attentes. Dommage.
La sensation de ne pas avoir compris où l’auteur voulait en venir, de ne pas réussir à rassembler les fils de l’intrigue. De ne même pas savoir s’il y en a, pour être honnête. C’est assez déroutant, alors que normalement j’apprécie les intrigues complexes et les entrelacs de personnages.
Donc, au final, quel verdict ?
Un verdict assez mitigé, au final, du moins en ce qui me concerne. Pour résumer, je n’ai pas accroché à l’histoire, mais je reconnais les mérites stylistiques de l’ouvrage. Bankgreen est bien plus (à mon sens) une réflexion philosophique sur la mort, le temps, la nature "humaine" qu’un roman de fantasy, et il faut garder ce fait à l’esprit si on souhaite le lire pour ne pas se tromper d’attente.
Malgré tout, j’aurai tendance à dire que oui, il faut lire Bankgreen si l’on s’intéresse à ces thématiques, que l’on veut se frotter à un magistral exercice de style, ou si l’on recherche une "expérience" de lecture différente. Ceci dit, il s’agit d’un livre ardu, et difficilement abordable, et je ne le conseille pas pour des lecteurs débutants ou occasionnels.
Mais encore ?
Le cycle de Bankgreen est conclu en deux tomes. Le second, intitulé Elbrön, est paru en 2012.
Sinon, rien à voir, mais...
Je n’ai pas, et n’aurais sans doute pas un rythme de parution très stable ou rapide. Une raison très simple : il faut bien que j’ai le temps de lire (ou relire) ce que je chronique (c’est mieux, quand même)... et je ne chronique pas non plus tout ce que je lis. Mais bon, normalement, vous devriez avoir de mes nouvelles au minimum une à deux fois par mois. Mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa.
Ah, et vu que comme toute bouquinovore qui se respecte, je suis toujours en recherche de choses à lire, sentez-vous libre de me proposer des œuvres sur lesquelles vous voulez une opinion (ou que vous avez aimé, ou détesté, ou autre...) Même si je ne fais pas une chronique circonstanciée, je peux toujours donner mon avis par MP, ou discuter autour d’une œuvre. J’aime parler de livres. Si, si. Promis, je mords pas ! Voilà, fin du blabla qui n’avait rien à voir avec l’œuvre. Sorry about that !






