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Édito
par Thomas Mourier - le 5/02/2022
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par Thomas Mourier - le 5/02/2022

Le retour de l’humour méta en bande dessinée ? Petit top 10 des albums qui parlent de BD en BD

En ce début d’année 2022, on a la chance d’avoir plusieurs titres qui s’attaquent au petit monde de la bande dessinée… en bande dessinée, et le plus souvent par le prisme de l’humour. Une longue tradition, depuis les rubriques des journaux aux fanzines avant les albums et ces sorties offrent une belle occasion de se repencher sur cette riche thématique avec un petit top 10 des albums qui parlent de BD en BD : des carnets intimes à la fiction…

Les nouveautés 
Le top 10 pour aller plus loin

Les nouveautés 

Petit manuel d’humour en toute circonstance d’Étienne Lécroart, Fluide Glacial 

Petit manuel d’humour en toute circonstance d’Étienne Lécroart, Fluide Glacial 

Dans le prolongement de ses Fifiches à gogo Étienne Lécroart propose un livre entre le recueil de gags et le manuel pratique pour s’y essayer. Pas de méthode miracle pour jeune auteur qui voudrait publier chez Fluide Glacial, mais plutôt une envie de transmettre quelque chose de cet art délicat de faire rire en bande dessinée. 

Si je cite les Fifiches à gogo, c’est que plus jeune, c’était une de mes rubriques préférées du Journal de Spirou, Étienne Lécroart est un des auteurs qui pratique le dessin d’humour et la bande dessinée expérimentale parmi les plus aguerris et ce Petit manuel d’humour en toute circonstance propose de mieux comprendre comment il aborde ou questionne le genre & ses codes. 

Plusieurs chapitres où il propose une intro décalée puis ses propres gags : décalage, tabous, stylistique, épuration, contemporanéité, rythme, vocabulaire, et originalité. Le tout en gags en une image, pastiches, parodies, fausses pubs et BD didactiques. 

Le dessinateur varie les techniques et les styles graphiques, encre, crayons et jeux sur les couleurs. L’ensemble est assez hétéroclite et rejoint cette envie d’adapter forme & fond, de surprendre en se renouvelant. C’est drôle, couillon, plein de références à la pop culture et à l’actualité et on aurait aimé qu’Étienne Lécroart aille encore plus loin dans la mécanique des gags, mais on aime cette nouvelle veine.  

Fumier d’Étienne Lécroart, l’Association 

Fumier d’Étienne Lécroart, l’Association 

En complément, et qui arrive début mars, vous pourrez lire Fumier du même auteur, un court récit où le dessinateur imagine une interview où sont alter ego de papier est questionné par une journaliste qui lui demande en guise de première question « depuis quand faites-vous de la merde ? »

Dans un jeu sur la langue, le dessinateur s’amuse de ce décalage et explique comment ou pourquoi sur son travail de la bande dessinée avec le filtre des mots liés au champ lexical du fumier. Certains dialogues amusants, mais surtout une manière pudique de parler de sa carrière et de sa vision du métier en quelques planches. 

Le dispositif se double d’une contrainte picturale, le dessin s’estompe jusqu’à devenir abstrait dans les dernières pages, chaque planche gardant le même cadrage, mais perdant en précision et netteté. Étienne Lécroart est membre de l’Oubapo (Ouvroir de Bandes Dessinée Potentielle) et de l’Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle) et affectionne les contraintes créatives et vous pouvez en voir pas mal d’exemples sur son site ici

En coulisses de Pierre Wazem, Atrabile 

En coulisses de Pierre Wazem, Atrabile 

Autre angle d’attaque sur la bande dessinée en bande dessinée, les strips sur le milieu, ses festivals et ses auteurs. Pierre Wazem a regroupé plusieurs dizaines d’années de dessins réalisés dans le cadre de festivals (commandés par eux ou non) pour donner à voir une facette moins connue du métier. Avec humour, il décrit consciencieusement ou déforme certaines situations pour nous faire profiter de son point de vue et de ses amitiés. 

Improvisation en 3 cases, strips à main levée, des strips au dessin sous influence. On y trouve des curiosités comme des nuages dessinés par plusieurs dessinateurs et pas mal de name dropping et d’incursion d’auteurs contemporains, des anecdotes sur vos auteurs préférés et des gags liés à la pratique de la bande dessinée.

Pierre Wazem avait déjà réalisé cet exercice pour des journaux (certains regroupés dans Un Monde pas possible) ou abordé le quotidien des artistes dans une belle correspondance dessinée Chère Louise. Ici nous avons une collection d’instantanés dans une vie d’auteur, avant ou après Covid. 

Une lecture à mettre en parallèle de Succès, mode d’emploi de Ville Ranta sorti en fin d’année dernière et qui proposait une satire sur le milieu des éditeurs français et le Festival de la BD d’Angoulême (coup de cœur à lire ici).

Un top 10 pour aller plus loin

Après ces 4 nouveautés, je voulais vous proposer également une petite liste de titres indispensables dans cet esprit. 

Dans les carnets 

La solitude du marathonien de la bande dessinée d’Adrian Tomine, Cornelius 
Sous forme d’un vrai carnet, le dessinateur américain publie ses mésaventures liées à son métier d’auteur de BD, sous forme de planches humoristiques ou mélancoliques. C’est beau, drôle et sombre et avec plein de guests de la scène américaine. 
Coup de cœur dispo ici

Indélébiles de Luz, Futuropolis 
Recueil de souvenirs, déclaration d’amour, copinage, privates jokes, éveil à la politique et réflexions sur le dessin, les souvenirs du jeune Luz à la rédaction de Charlie Hebdo couvrent 23 ans de sa vie à la rédac’ et est son hommage à ses amis disparus dans l’attentat de janvier 2015.
Coup de cœur dispo ici.

Les petits riens de Lewis Trondheim, Delcourt
Sous forme de planches à l’aquarelle, de dessins pris sur le vif lors de ses voyages, cette série compile les carnets intimes de Lewis Trondheim qui parle énormément de son travail d’auteur, de ses amitiés et de la vie des festivals. Le tout avec humour et une attention particulière au dessin et à la technique. 

Les Carnets de Joann Sfar, l’Association
Ses carnets se découpent en plusieurs séries, des carnets d’origines (à l’Association) où il raconte sa vie, ses rencontres, ses réflexions sur la bande dessinée ou la musique ; jusqu’à ceux (chez Delcourt) qui deviennent plus thématiques sur Cannes, Charlie Hebdo… Et je vous conseille surtout les premiers.

L’Art sans madame Goldgruber de Mahler, l’Association
Une collection de strips et de planches autour du monde l’Art et du milieu de la bande dessinée par le dessinateur Nicolas Mahler qui a le trait parfait pour synthétiser et rendre les ambiances pédantes et hautaines de ses contemporains. Mahler en profite pour exposer ses idées sur la bande dessinée, et dans plusieurs livres, entre l’humour et l’essai. 


Vous pouvez aussi lire C’est la guerre de Nicoby, Interne de David de Thuin, Le journal d’un album de Dupuis & Berberian, La Bande dessinée ou comment j’ai raté ma vie de Benoît Barale…

Les fictions plus vraies que nature

Oleg de Frederik Peeters, Atrabile
Sous couvert du pseudonyme Oleg, le dessinateur Frederik Peeters se raconte et met en image son quotidien, entre doutes et réussites. Cette introspection autofictive fait écho à l’un de ses premiers livres, Pilules bleues, et il propose un bilan 20 après et quelques beaux succès. 
Coup de cœur dispo ici.

L’atelier Mastodonte, collectif, Dupuis
6 recueils de strips collectifs où Lewis Trondheim challenge ses amis dessinateurs pour des séries de strips ping pong qui se répondent, se croisent et racontent le quotidien fictif d’un atelier fictif, mais avec de vrais auteurs. Pas mal d’anecdotes et de vraies personnalités dans cet atelier imaginaire qui nous permet d’approcher, avec humour, au plus près de la vie des dessinateurs à travers leurs tics et obsessions. 

The Autobiography Of Me Too de Guillaume Bouzard, Les Requins Marteaux 
Dans cette série d’autofictions, Guillaume Bouzard s’est réinventé en personnage de bande dessinée au point qu’il en sera indissociable (au point qu’il récidivera dans The Autobiography Of A Mitroll et Moi, BD) Toujours accompagné de son chien Flopi qui est parfois plus malin que son maître, c’est l’une des BD d’humour les plus drôles du monde (soyons sérieux un instant) 
Coup de cœur dispo ici.

Alec d’Eddie Campbell, Çà et là
Le dessinateur de From Hell a traduit son quotidien de dessinateur et ses expériences dans le métier à travers un double de papier. Comme pour Oleg de Frederik Peeters, ici Eddie Campbell se livre à un travail d’autofiction intime dont le quotidien est rythmé par la bande dessinée et son travail d’auteur, entre réflexions, rencontres et publications. 

Un auteur de BD en trop de Daniel Blancou, Sarbacane 
Daniel Blancou imagine son destin d’auteur s’il avait publié les planches de Kevin, un artiste virtuose qui n’en a rien à faire de la BD. Daniel, auteur au succès tout relatif (et son alter ego de fiction), devient le dessinateur le plus en vue après ce vol intellectuel. Une comédie satirique sur le milieu de la bande dessinée très drôle et juste, qui pose pas mal de bonnes questions. 

Vous pouvez aussi lire les Professionnels de Carlos Gimenez, La vie des festivals de Michel Gaudelette, Pauvre Lampil, de Lambil & Cauvin, Thérapie de groupe de Manu Larcenet… Sans oublier L’Art du 9ème Art d’Emmanuel Reuzé qui s’attaque avec humour à une parodie de livres didactiques sur la bande dessinée.

Et vous ?
Dites nous vos indispensables ou coup de coeur dans les commentaires !


Illustration principale © Étienne Lécroart / Fluide Glacial

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