Illustration de l'article
Incontournables
par Thomas Mourier - le 13/08/2020
Partager :
par Thomas Mourier - le 13/08/2020

Panorama : Parker de Darwyn Cooke, ça passe ou c’est classe

C’est l’un des plus beaux (et plus gros) livres de l’été. L’intégrale des adaptations de Parker de Richard Stark par Darwyn Cooke, un chef d’œuvre du polar injustement méconnu. On vous le présente au format Panorama.

Parker de Darwyn Cooke, Dargaud

Panorama, c’est un format d’article qui ne s’arrête pas au coup de cœur classique, mais qui s’attarde un peu plus sur l’objet, sur les à-côtés du livre et les détails. Panorama c’est une chronique à 360° avec plus d’extraits et une chronique un peu plus longue, c’est un focus avec un grand-angle.
=> Lire les autres Panorama.


Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW Publishing

Vous avez devant vous 600 pages de noirceur, de violence et de maestria graphique. Une réédition de luxe, dont les bonus & la maquette mettent en avant les 4 bandes dessinées regroupées ici. Une intégrale hors-norme regroupant Le chasseur, L’Organisation, Le Casse & Fun Island, et une nouvelle le 7ème, des titres ayant pour héros le noir prince du casse : Parker. 

Darwyn Cooke (dont je disais le plus grand bien ici à propos de The New Frontier, sa déclaration d’amour à DC Comics et aux super-héros) s’était entiché de ce personnage de roman au point de demander à son auteur l’autorisation d’en faire une adaptation. Richard Stark qui a signé presque 30 romans mettant en scène Parker ou Alan Grofield son acolyte, est l’un des nombreux pseudos du très prolifique Donald E. Westlake ; et l’écrivain New Yorkais lui a accordé sa bénédiction en  lui proposant 4 romans emblématiques du personnage. 

« Bien. C’est très simple, fais ce que je dis et tu resteras vivant. »

Artiste de la cambriole, redoutable tacticien, tueur sans pitié : ses aventures sont des romans de braquages, de casses et de chasse à l’homme qui finissent mal. Des histoires de voleurs, solitaires ou appartenant au crime organisé ; des récit de haut vol qui mettent en scène arnaqueurs, truands ou mafieux autour du solitaire & génie du crime Parker. 

Héros violent, amoral, tragique, il est difficile de savoir pourquoi on s’attache à lui si vite. Quelques détails pour y réfléchir : son côté charismatique d’abord, son panache même dans les situations les plus désespérées, son sang froid… Parker ressemble à une version en négatif de James Bond. Grands solitaires & adeptes des missions suicide, misogynes et sans attaches, réservés & pourtant sans intimité : les deux personnages peuvent se voir comme les deux faces d’une même pièce. L’un est au service de Sa Majesté, l’autre au service de son confort ne cherchant une mission qu’en cas de manque d’argent ou si celle-ci représente un défi. 

Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW Publishing

Chaque album présente un casse ou un épisode de la vie de Parker en lien avec celui-ci. Des polars à la mécanique bien huilée qui s’articulent autour d’une sainte trinité : trahison, vengeance & braquage. Le choix des titres adaptés n’est pas anodin et marque une vraie progression dans notre approche du héros. D’un tome plutôt introductif en passant par des faits d’armes ou des dangers extrêmes façon grande aventure avant de finir dans un récit intimiste et angoissant. Traque, chasse à l’homme, pièges et planification, huis-clos et batailles rangées, chaque album permet aux auteurs d’explorer plusieurs facettes du roman policier autour de la figure de cet anti-héros. 

« Vous vous trompez sur mon compte, je ne tue pas pour me simplifier l’existence. Si je tue c’est parce que je n’ai pas le choix. »

En plus d’être un cerveau, Parker est un Monsieur muscle qui se distingue aussi par son physique, avec sa gueule qu’aucun protagoniste n’oublie sans parler de ses mains énormes qui lui servent d’arme. Pourtant dès la fin du premier volume Parker change de visage et oblige le dessinateur à déjà remanier sa création, à se renouveler. Il réinvente son propre style, ce trait élégant qui s’inspire à la fois de la ligne claire Européenne et des courbes cartonnesques du travail de Bruce Timm. 

Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW Publishing

Du célèbre animateur, il gardera également une efficacité redoutable dans le découpage, dans le choix des cadrages et la mise en place de la narration. Dans ces quatres adaptations de Parker, les images et les mots jouent leur partitions et l’adaptation enrichit le roman de choix visuels qui ne se contentent pas d’appuyer le texte. La mise en scène est riche et les planches de bande dessinées s’intercalent avec les récitatifs illustrés, les résumés façon strips, les pleines pages de faux journaux ou documents ou encor les cartes et les schémas. L’auteur innove et chaque album propose des variations et des idées originales pour mettre en valeur les textes de Richard Stark qui contiennent leur lot de scènes d’exposition ou de plan alambiqués, et ce sans jamais perdre le lecteur, sans perdre du dynamisme de cette adaptation.  

Pour souligner ces choix esthétiques et parti-pris narratifs, le dessinateur ajoute une bichromie différente à chaque album, une couleur dominante qui souligne ce dessin gracieux et le place hors du temps. Indémodable, le travail de Darwyn Cooke ne semble pas vieillir et cette réédition permet de le redécouvrir.

« Erreur, ce n’est plus vous qui me traquez. C’est moi qui vous traque. »

Si les livres ont déjà été édités en version simple, cette réédition grand format se double d’une série de bonus de luxe qui apportent un éclairage nouveau à ce travail d’adaptation. Si on avait déjà pu saluer ces polars réussis traduits par des traducteurs de prestige Tonino Benacquista, Matz, Doug Headline, Nicolas Richard, cette version augmentée propose interview des auteurs, notes, introductions et bibliographies. Un beau travail d’édition coordonné par Doug Headline doublé d’une maquette des plus réussi par Philippe Ghielmetti.

Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW Publishing

L’ouvrage s’ouvre sur une série d’illustrations et de phrases mises en exergue qui non seulement donnent le ton, mais permettent d’apprécier tout le talent de Cooke. Donald E. Westlake introduit le volume en expliquant comment lui ait venu l’idée de Parker, puis Doug Headline donne les grandes lignes de ce projet hors-norme. Une longue interview de Darwyn Cooke par le journaliste spécialisé Tom Spurgeon permet d’en savoir plus sur les choix d’adaptation, les coulisses et les motivations du dessinateur pour adapter cet œuvre. Puis une analyse et une série de notes de Jean-Patrick Manchette, génial écrivain adulé des amateurs de polar et grand connaisseur de l’œuvre de Westlake. Le  tout complété par une filmographie de référence et un retour sur les livres de Westlake/Stark en série noir.

600 pages de bande dessinée qui se lisent presque d’une traite dans un objet qui contient autant de pistes de lectures et propositions de visionnages pour explorer les différentes facettes du travail de Donald E. Westlake, de Darwyn Cooke ou de Jean-Patrick Manchette. 


Illustration principale et tous les extraits : © Darwyn Cooke / Dargaud / IDW Publishing

Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW
Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW
Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW
Parker de Darwyn Cooke, Dargaud
© Darwyn Cooke / Dargaud / IDW
Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail