
Actuellement en pleine campagne de financement participatif sur Ulule, son scénariste Victor Druillet nous en parle.
O Bruxo raconte l’histoire de Saul, un policier courageux qui s’efforce de donner un sens à son métier en marchant dans les pas de son père, malgré les manquements de l’administration et de ses collègues. Après avoir reçu une proposition particulière, il intègre une brigade secrète et de mystérieux yeux bleus lui sont tatoués dans le dos, lui donnant la faculté de lire les dernières pensées d’un mort en le touchant. Lorsqu’il apprend que le meurtrier de ses parents, l’étrange serial killer O Bruxo, présumé mort, refait surface, Saul n’hésite pas à braver les interdictions pour se jeter à sa poursuite. Mais un nouveau mystère complique les choses : ses cadavres ne possèdent pas de souvenirs…
Collaboration internationale, le projet réunit Rafael Dantas et Daniel Brandao pour le côté brésilien, et TiF, Le PiXX et Dimitri Avramoglou du côté français, en plus des deux scénaristes Victor Druillet et Norman Jangot. Et chaque artiste est en charge d’une vingtaine de planches avec leurs styles graphiques propres. O Bruxo est soutenu par les éditions le Grimoires & la Plume, une maison d’édition indépendante née en 2020 et spécialisée dans les primo romanciers, qui édite pour l’occasion sa première bande dessinée.
La BD est actuellement disponible sur Ulule, dans une édition collector exclusive à la campagne. Et spécialement pour nos lecteurices, l’équipe du projet vous propose une contrepartie secrète avec des prix réduits accessible juste ici !
Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Victor Druillet, co-scénariste d’O Bruxo, pour découvrir ce projet en détail.
C’est un projet très ambitieux, cinq illustrateurs, deux scénaristes, publié par une maison d’édition qui n’a encore jamais édité de bande dessinée. Comment ce projet est-il né ?
Victor Druillet : Mon co-scénariste Norman Jangot et moi-même avons travaillé quelques années dans le milieu du film et du web, mais c’est un milieu, surtout en France, où il est très dur de faire exister des histoires fantastiques (bien que les choses changent un peu). Je suis né dans la BD, donc il m’a paru soudain évident que c’était le médium le plus adapté à mes envies d’histoires sans se soucier de budget ou de faisabilité.

Bien qu’ayant quelques contacts chez les grands éditeurs, il est difficile, en tant que simple scénariste de convaincre un éditeur (c’est aussi très compliqué de convaincre un bon dessinateur de pondre des planches d’exemple avant d’avoir un éditeur, alors que l’éditeur attend des planches de qualité pour le convaincre, le serpent, la queue, la poule, l’œuf).
Il se trouve que Norman est aussi romancier (auteur récemment de L’œuvre du serpent aux éditions Héloïse d’Ormesson) et qu’il avait publié L’En-deça chez GLP et qu’il était satisfait de leur travail d’édition. De leur côté, les éditions GLP cherchaient à mettre un pied dans la BD et le projet a fini de les convaincre.
En ce qui concerne le regroupement de dessinateurs, c’est le croisement d’une envie artistique et d’un besoin pragmatique. Je lis pas mal de comics et j’aime beaucoup, quand on sein d’un album ou série, plusieurs dessinateurs se succèdent (dans Hellblazer ou Hellboy, pour citer deux exemple en “Hell”), chacun réinterprétant le héros et les autres personnages.
De plus, comme il s’agit d’un gros livre pour une petite maison, confier 20 à 25 pages à chaque artiste représente pour chacun un risque moindre que de devoir s’attaquer à une centaine, tout en permettant de livrer plus rapidement l’album après la campagne.
Je précise au passage que si l’objectif de la campagne est très élevé, c’est que nous tenions à ce que les artistes soient rémunérés convenablement et à imprimer l’album en France.
Une bande dessinée sombre, à la fois scénaristiquement et graphiquement, qui mêle polar et fantastique, est-ce qu’il y a eu des sources d’inspiration particulières (BD ou non) ?

V. D. : Graphiquement, le fait d’utiliser une seule couleur au milieu d’un ensemble noir et blanc n’est pas nouveau, ça a déjà été vu dans Sin City ou La Liste de Schindler, mais c’est un procédé que j’ai toujours trouvé très beau et efficace et qui se prêtait particulièrement bien à la présence du tatouage dans ce polar (le tatouage ou tout ce qui s’y rapporte étant représenté en bleu).
J’ai aussi toujours été lecteur de polars, de James Ellroy à George Pelecanos. C’est un genre qui nous amène dans les bas-fonds de la société, dans la crasse, la drogue, les coup-bas, le sang, en plus d’organiser narrativement l’intrigue autour d’une enquête qui, si elle est bien ficelée, offre autant de plaisir à écrire qu’à lire quand tout s’emboîte parfaitement bien.
Enfin, pour revenir au tatouage, je pense que l’idée était une résurgence du générique du film Crying Freeman que j’avais en VHS ado et où le dragon bougeait sur le corps du Freeman. Dans O Bruxo, ce tatouage “mouvant” a une vraie importance dans le récit contrairement à Crying Freeman où c’était juste une trouvaille visuelle de générique sans impact narratif. Mais il est possible qu’il en soit la racine, les idées arrivant généralement par rebond sur quelque chose qu’on a vue ou vécue, consciente ou non.
O Bruxo est un projet international, deux des illustrateurs sont brésiliens, est-ce que cela signifie qu’une sortie est également prévue au Brésil ? ou dans d’autres pays ?
V. D. : La campagne propose des versions anglaises et portugaises du livre car nous voulions qu’il soit accessible dans le pays où se situe l’action et lisible par nos amis ou contacts anglo-saxons. Pour l’instant, il n’y a pas de sortie prévue sur ces territoires à proprement parler. Mais l’existence de versions traduites pourrait faciliter la discussion avec des acteurs du milieu dans ces pays respectifs (même si le Brésil est un marché bien plus restreint et bien moins développé que le marché anglais ou américain).
En tout cas, la présence de dessinateurs brésiliens résulte du fait qu’il nous semblait intéressant et naturel d’avoir des artistes locaux pour illustrer une histoire qui se situe à Rio.
L’histoire se déroule à Rio de Janeiro, est-ce que vous avez un attrait particulier pour ce pays, pour ce cadre ?
V. D. : Le choix a résulté d’un élément narratif que je ne peux malheureusement pas dévoiler 🙂 Néanmoins, c’est aussi un pays où les inégalités sociales sont immenses, ce qui génère un terreau fertile pour des histoires sordides.
5 dessinateurs, chacun avec un style qui lui est propre, qui réaliseront tous un chapitre, soit une vingtaine de planches, comment organisez-vous le travail ? Ont-ils des consignes particulières pour avoir une certaine homogénéité graphique ou à l’inverse, ont-ils une liberté de création ?

V. D. : Je suis assez “relou” 🙂 O Bruxo a une approche plus comics que franco-belge. Le graphisme est au service de l’histoire qui a un déroulé plus cinématographique et non l’inverse (attention, je ne dis pas non plus que des albums franco-belge n’ont pas la même démarche, mais beaucoup d’artistes, comme mon père, ont fait leur nom avant tout par leur représentation graphique plutôt que par ce qu’ils racontaient). De ce fait, je transmets aux artistes des layouts assez précis, où chaque cadrage a un sens. Ça ne veut pas dire qu’ils ne prennent pas de liberté ou ne suggèrent rien, juste que c’est sujet à discussion en fonction du sens narratif de la chose.
Pour assurer une homogénéité globale, outre le traitement noir & blanc + bleu qui fonctionne bien, j’ai aussi dessiné les premiers sketchs des personnages de manière à assurer une cohérence d’un artiste à l’autre. Le but étant d’avoir un character design reconnaissable pour chaque personnage important.
O Bruxo a été imaginé pour être une histoire en 2 tomes, est-ce une histoire qui se suffit à elle-même ou pourrait-il y avoir d’éventuelles suites ? Des envies de continuer dans cet univers ?
V. D. : C’est une histoire qui se suffit totalement à elle-même et qui sera absolument terminée au bout du deuxième tome. Comme sur l’un des stretchs goals, on envisage des histoires courtes en parallèle dans cet univers car il est riche et plaisant.
Néanmoins, bien qu’il ne faille jamais dire jamais, c’est souvent un piège de trop vouloir prolonger quelque chose qui était fort à la base, mais qui a dit ce qu’il avait à dire. Je fais partie des gens qui apprécient nettement moins le Berserk d’après l’éclipse que d’avant, qui trouvent que Walking Dead a eu 10 à 20 tomes de trop, qui trouvent qu’Hellboy devrait s’arrêter. Et pourtant, j’adore toutes ces séries et je comprends parfaitement les auteurs de vouloir ou d’avoir voulu les prolonger (outre l’appât du gain de l’éditeur, bien évidemment). Je me souhaite en tout cas d’avoir à me poser ces questions avec O Bruxo à l’avenir ! 😀
On vous invite à faire un tour sur la page du projet pour découvrir toutes les illustrations, les news & les contreparties. Et on vous rappelle que vous avez une réduc’ spécialement pour vous ici.
La campagne est en ligne jusqu’au 8 juin 2025.
Visuels © éditions Grimoires et la Pume & Rafael Dantas, Daniel Brandao, TiF, Le PiXX et Dimitri Avramoglou