Dans Petite voleuse, Michael Cho raconte l'écart parfois douloureux entre rêves de jeunesse et réalité de la vie d'adulte.
Fade réalité.

Corrina Park végète dans l'agence de pub où elle travaille. En sortant de ses études de lettre, elle se voyait future auteure à succès. Cinq ans plus tard, son imagination lui sert juste à trouver un slogan percutant pour une crème pour les pieds. Alors jour après jour, elle s'enferme un peu plus dans sa routine métro-boulot-dodo, garde ses distances avec ses collègues et n'arrive plus vraiment à feindre un enthousiasme débordant au travail.
Dans son morne quotidien, la jeune femme s'offre un petit frisson, pas très glorieux et même un peu ridicule, sans doute, mais qui lui permet de se sentir vivante, l'espace d'un instant.
La subtilité du silence.

Avec Petite Voleuse, Michael Cho raconte avec subtilité ce moment de flottement où, devenu adulte sans trop s'en rendre compte, on se demande tout à coup ce que sont devenus nos rêves de jeunesse. Un instant qui peut se dissiper à toute vitesse et ne laisser qu'une vague impression de gueule de bois, ou qui sera le déclencheur de grands changements.
Le personnage de Corrina est touchant. Sensible, nostalgique et solitaire, elle se déteste de ne pas être plus sociable et enjouée, de préférer rentrer chez elle passer des soirées en tête à tête avec son chat, qui ne lui témoigne en plus aucune affection, plutôt que de sortir avec ses collègues et de se vider la tête. Elle avance dans sa vie comme un robot, sans but précis mais surtout en évitant soigneusement de se poser trop de questions, terrorisée à l'idée d'affronter ses rêves et aspirations. Se lancer, c'est prendre le risque de découvrir qu'on n'a pas de talent. Une perspective qu'elle n'a pas la force d'affronter.
Michael Cho est d'origine coréenne, et vit au Canada depuis l'enfance. Ses deux cultures se retrouvent dans son travail.
Dans le dessin, on est clairement dans un roman graphique nord-américain, avec un trait doux mais très graphique, épuré, où la bichromie (noir/rose) appuie les émotions et les ombres avec simplicité. Avec des décors muets qui prennent parfois jusqu'à une double page, la ville de New York fait presque office de personnage, nous immergeant totalement dans la routine de l'héroïne.
Mais le récit, lui, prend autant le meilleur du comics indé que celui d'une narration plus proche de titres asiatique. La manière dont l'auteur pose son histoire laisse une large place au silence, à la réflexion et à la contemplation. Le résultat est très doux, léger, mais aussi fort et émouvant. La vie de Corrina est pleine de vide, de rien, de mots qui restent dans sa tête, et c'est cette même impression que l'on a à la lecture, tout en découvrant par petites touches les pensées qui se bousculent dans son esprit. Il y a une sorte de désespoir immobile en elle, mais aussi une lumière, un espoir loin d'être éteint. En cela, on pensera aux personnages et aux histoires du mangaka Inio Asano (Le Quartier de la Lumière, Solanin, Bonne nuit PunPun), particulièrement doué pour parler de ces moments de flottement.

Petite voleuse est une petite bande dessinée, pleine de simplicité. Un moment d'introspection un peu floue, entre nostalgie et espoir, avec en fond une jolie promenade dans New York.






