Grand fan de Charles Burns et de son Black hole, un livre très marquant, j’ai vécu la sortie de ToXic comme l’un de ses personnages : fasciné et désorienté…
Comme ses histoires précédentes, cette trilogie raconte le passage de l’enfance à l’âge adulte et explore la thématique de la paternité tout particulièrement. Et ce, avec un prisme étrange et dérangeant, un parti-pris entre esthétique punk et hommage à Hergé, entre William Burroughs et morale chrétienne, entre un nihilisme arty et une envie de transmission, entre le trash et la comédie sentimentale. Charles Burns collectionne les albums, planches et illustrations d’Hergé depuis longtemps et bien que son style et son univers soient assez éloignés, le dessinateur voue un culte au créateur de Tintin et à son personnage fétiche. Au point que ce triptyque emprunte une grande partie de l’univers visuel du maître de la Franco-Belge dans une version cauchemardesque.
Doug aka Nitnit (miroir de Tintin dans le monde onirique) aka Johnny 23 dans les soirées punk de San Franscisco se débat entre le rêve et la réalité. Entre le passé et le présent au milieu de choix qui s’offrent à lui et qu’il ne saisit pas. L’auteur entraîne le lecteur sur des fausses pistes, des croyances et des quiproquos, à l’image de ceux qui traversent l’esprit du personnage. Hergé évoquait son héros comme un masque neutre auquel n’importe qui pourrait s’identifier, Charles Burns prend cette belle phrase au pied de la lettre et nous montre qui pourrait être l’homme derrière le masque.
«- D’où tu viens, d’abord ?
– Heu…Nulle part, je…je…
– Nulle part, hein ? Tu sais quoi ? Tu commences vraiment à me taper sur les nerfs ! Ok, connard… La fête est finie ! Écoute-moi bien… Si, je te trouve encore à traîner dans l’coin, j’te fais avaler tes dents de devant ! T’as pigé ? »
Simplifiant quelque peu son style pour coller à la ligne claire hergéenne, Charles Bruns garde ce trait puissant et identifiable entre mille. Pour ce projet il passe à la couleur, abandonnant le noir et blanc qui a accompagné jusque-là toute son œuvre, car la couleur est une composante de l’histoire au même titre que le dessin. Flashs de couleurs, noirs omniprésents, compositions verticales et juxtapositions ; l’écriture est résolument en accord avec l’esthétique déconstruite et contestataire de la révolte musicale et poétique au centre des préoccupations des personnages.
D’un autre côté, il explore le monde des comics à l’eau de rose et des dramas sentimentaux des années 50 dont on retrouve certaines situations ou archétype directement dans l’histoire –et plus particulièrement dans le hors-série Vortex.