On apprend la mort du mangaka, cette nuit, à travers un tweet de son éditeur Hakusensha, sur le compte de la revue Young Animal qui pré-publiait les chapitres de Berserk depuis 1989.
L’artiste laisse derrière lui un héritage inachevé, sa série monstre Berserk : un univers vaste et particulièrement détaillé qui ne connaîtra (peut-être) pas de fin.
40 volumes sont disponibles en français, au Japon le dessinateur venait de publier le chapitre 363 en janvier dernier.
【三浦建太郎先生 ご逝去の報】
— ヤングアニマル公式 (@YoungAnimalHaku) May 20, 2021
『ベルセルク』の作者である三浦建太郎先生が、2021年5月6日、急性大動脈解離のため、ご逝去されました。三浦先生の画業に最大の敬意と感謝を表しますとともに、心よりご冥福をお祈りいたします。
2021年5月20日 株式会社白泉社 ヤングアニマル編集部 pic.twitter.com/vy923fIqiP
Un guerrier qui en a dans les tripes
Œuvre un peu à part, Berserk propose un univers de dark fantasy très violent autour de la quête mystérieuse de Guts. Dans le sillage de la Saga de Guin, Conan, Élric, mais aussi Hokuto no Ken, Kentaro Miura va composer une véritable saga : raconter l’histoire d’un héros maudit de son enfance à sa mort, en passant par les grandes heures de sa vie & sa lutte acharnée contre les démons, le passage fugitif de ses amis & ennemis…. Un travail de longue haleine, un puzzle captivant qui distille ses secrets lentement au milieu de batailles & de visions d’horreurs indélébiles.
Un guerrier solitaire, à l’épée plus grande que lui et au bras artificiel, parcourt le monde en suivant un but inconnu. Une marque magique sur sa peau attirant à lui tous les démons, il doit combattre chaque nuit les esprits malins, âmes damnées, créatures maudites. Le jour, il se bat pour ses proches, devenant le bras armé d’un conquérant ou sauveur d’un peuple au fil de ses rencontres. En dehors de sa malédiction, son seul pouvoir est sa détermination — sa force et ses armes assurent bien sûr sa survie, mais on sent bien que c’est sa volonté qui lui permet de se hisser à ce niveau et d’éviter la folie après tout ce qu’il a vécu. Guts en devient charismatique, non pas pour ses faits d’armes, mais pour sa capacité de résilience et sa rage de vivre. Parlons aussi du traumatisme provoqué par certaines scènes de cette série à la limite du manga d’horreur.
Une oeuvre-monde
Que ce soit dans le dessin ou dans l’ambiance, le mangaka joue sur l’oppression constante de son lecteur. Les planches sont détaillées, les créatures sordides mais ce n’est pas le pire : la cruauté de certains personnages nous met également mal à l’aise dans ce monde où certains humains sont plus monstrueux que les démons. Rares sont les héros de fiction qu’on peut haïr à ce point, et Kentaro Miura arrive à ce tour de force en créant des personnages denses, sans peur de mettre en scène certains tabous. Ce qui marque en premier, ce sont les dessins. Le mangaka est un illustrateur forcené qui ne laisse rien au hasard, les planches sont détaillées à l’extrême, il travaille sur la profondeur et la densité autant que sur les perspectives & le mouvement. Son découpage incluant de nombreuses doubles pages accentue ces effets, et l’auteur a également recours à pas mal de cases muettes pour laisser passer les émotions.
Les grandes lignes de l’intrigue se mettent en place chapitre après chapitre, et l’auteur prend le temps de développer sans jamais perdre de vue son objectif. Comme avec One Piece, nous avons affaire à un mangaka qui a une vision très claire de son histoire, et qui se donne les moyens d’y arriver. Pour vous donner une idée, on ne comprend vraiment le titre du manga qu’à partir de la moitié de la série, et elle s’intensifie encore.
La contrepartie est un temps de gestation assez long : 40 tomes seulement publiés en 30 ans, et une plaie qui ne sera jamais refermée. Berserk rejoint la longue lignée des chefs-d’oeuvre inachevés.
Illustrations : © Kentarō Miura / Glénat / Hakusensha