Samedi 8 novembre était une date très attendue, car l’association FIBD présidée par Delphine Groux a annoncé son choix de reconduire la société 9eArt+ gérée par Franck Bondoux pour 10 ans supplémentaires à la tête du festival de la BD d’Angoulême [je vous invite à lire notre article complet ici pour tous les détails, explications & sources].

Hier l’inter-orga de bande dessinée ( réunissant : STAA CNT-SO, MeTooBD, La ligue des Auteurs Professionnels, ABDIL, SNAP-CGT, Future Off, Collectif des Créatrices de BD contre le sexisme, Snéad-GCT) publiait une lettre à l’attention des financeurs publics du Festival d’Angoulême [reproduite dans son intégralité plus bas].
Et ce matin un communiqué du syndicat des éditeurs alternatifs (S.E.A.) « prévient enfin que si la parole des artistes et des maisons d’édition n’est pas considérée avec tout le sérieux qu’elle mérite, les conséquences seront majeures et probablement irréversibles. Dès 2026. Puis en 2027. Et peut-être à tout jamais. De nombreuses maisons d’édition du S.E.A ont d’ores et déjà annulé leurs stands pour l’édition 2026; d’autres vont bientôt grossir les rangs. » [communiqué reproduit dans son intégralité plus bas]
De son côté, Delphine Groux publiait le 15 octobre sur les réseaux sociaux de l’association FIBD (source) qu’ « On y retrouve également l’idée insultante selon laquelle le résultat de cet appel à projet serait déjà acquis. » Mais le 8 novembre, c’est bien la société 9eArt+ qui se retrouve reconduite, avec une proposition de projet commun avec la Cité Internationale de la Bande Dessinée et de l’Image.
Interrogée par Christelle LASAIRES dans La Charente libre (source), Delphine Groux explique que « le binôme est une chance pour le festival et une avancée considérable : deux compétences complémentaires. Pour les membres de jury, c’était une évidence. Nous n’avons gardé que deux finalistes parce qu’ils étaient les seuls à rassembler tous les critères.» Sans en expliquer les critères ni dévoiler les membres consultés pour ce vote : « Un jour, je prendrai le temps de leur expliquer pourquoi ils n’ont pas été retenus. »
Le syndicat des éditeurs alternatifs (S.E.A.) demande dans son communiqué, « la démission de Delphine Groux, dont l’irresponsabilité et les obstructions ont bloqué de bout en bout les échanges que les représentantes et représentants des artistes et maisons d’édition ont tenté de construire. » Ainsi que « la disparition de la société 9 Art+ et à la reprise des équipes par la future structure qui sera chargée d’organiser le festival. »
L’inter-orga de bande dessinée conteste « fermement l’attitude autoritaire de Madame Groux à la présidence de l’association du FIBD, et nous dénonçons le manque de transparence dans la procédure d’appel à projets lancée par cette association.
Madame Groux continue d’agir comme si le festival était sa propriété et qu’elle pouvait le gérer comme bon lui semble, en dépit de l’argent public investi et en dépit des appels réitérés des auteur·ices, qui restent la cheville ouvrière de cet événement. »
Pression sur les pouvoirs publics
On apprend également dans ce communiqué du syndicat des éditeurs alternatifs que « Franck Bondoux a adressé aux partenaires publics un courrier de menaces dans lequel il les prévient qu’il les attaquera en justice pour faire annuler la procédure et réclamer des dommages et intérêts si 9° Art+ n’était pas reconduit » dans un courrier en date du 25 septembre 2025.
Dans un article de Morgane Jacob sur France info (source) on peut lire la réaction de Franck Bondoux : « Interrogé sur ces différentes accusations, Franck Bondoux rejette tout en bloc. Il affirme avoir « tendu la main » aux instances représentatives des auteurs pour trouver des solutions, tout en attendant des « revendications plus concrètes de leur part. » Il demande également davantage de preuves pour étayer les reproches qui lui sont faits. Enfin, le directeur du FIBD regrette de ne pas y avoir répondu plus tôt : »On essayait de protéger l’événement, je pense qu’on a eu tort, on aurait dû parler plus tôt. » Franck Bondoux s’est engagé à quitter ses fonctions à l’issue de l’édition 2027 du festival. »
L’inter-orga de bande dessinée interpelle justement ces pouvoirs publics : « Les financeurs publics n’ont guère été plus écoutés et cela soulève une question grave : dans ce contexte, allez-vous remettre en cause le choix du vainqueur désigné par l’association du FIBD ou valider les conditions de cette mise en concurrence ?
Existe-t-il un consensus sur ces questions au sein de vos différentes institutions ?
Pour nous, auteur·ices de bande dessinée et autres acteur·ices qui faisons vivre cet événement, notre position est claire : tant que 9eArt+ sera là, nous refuserons de participer au festival. »
De son côté, le S.E.A. souligne « Les partenaires publics (à l’exception de l’Etat) ont cru bon de valider cette combinaison éruptive sans consulter l’interprofession. Ils veulent croire à la promesse qu’a faite Franck Bondoux de se retirer de la direction du festival après l’édition 2027. C’est ne pas tenir compte du fait que Franck Bondoux détient la société 9° Art+, la société Partnership Consulting (en charge des partenariats commerciaux), ainsi que la marque 9° Art+ – une marque devenue radioactive pour une grande partie de la profession, comme son dirigeant. »
🔎 Documents
1️⃣ QUEL AVENIR POUR LE FESTIVAL D’ANGOULÊME ?
Lettre ouverte de l’inter-orga de bande dessinée ( réunissant : STAA CNT-SO, MeTooBD, La ligue des Auteurs Professionnels, ABDIL, SNAP-CGT, Future Off, Collectif des Créatrices de BD contre le sexisme, Snéad-GCT)
À l’attention des financeurs publics du Festival d’Angoulême :
la DRAC Nouvelle-Aquitaine,
le Centre National du Livre,
la Région Nouvelle-Aquitaine,
le Département de la Charente,
la Communauté d’agglomération de GrandAngoulême
et la Ville d’Angoulême,
Mesdames, Messieurs,
Comme vous le savez, les auteur·ices et professionnel·les de la BD que nos organisations représentent, se sont manifesté·es à plusieurs reprises afin de contester la reconduction de la société 9eArt+ à la gestion du festival d’Angoulême. Ces raisons, nous les avons déjà largement énumérées par le biais de différents communiqués et à travers la pétition d’appel au boycott, puis par le biais de plusieurs communiqués et enfin la tribune publiée le 14/10/2025 dans le journal L’Humanité.
Monsieur Bondoux a beau avoir affirmé se mettre en retrait de l’organisation de l’événement après 2027, il reste l’actionnaire très largement majoritaire de 9eArt+, ainsi que de la société Partnership Consulting qui lui est associée.
Il ne nous semblerait pas plus légitime que sa fille Johanna Bondoux hérite de sa position, dont la nomination au poste de « Directrice du développement du festival » en 2022 à travers sa société Mentalo pose question.
Les organisations d’auteur·ices maintiennent leur appel au boycott et sont solidaires du Grand Prix 2025, Anouk Ricard, et de son engagement courageux.
Nous contestons fermement l’attitude autoritaire de Madame Groux à la présidence de l’association du FIBD, et nous dénonçons le manque de transparence dans la procédure d’appel à projets lancée par cette association.
Madame Groux continue d’agir comme si le festival était sa propriété et qu’elle pouvait le gérer comme bon lui semble, en dépit de l’argent public investi et en dépit des appels réitérés des auteur·ices, qui restent la cheville ouvrière de cet événement.
Dans un courrier du mois de juin dernier adressé à la présidente de l’association du FIBD, et signé par l’ensemble des financeurs publics, vous l’aviez, vous aussi, interpellée pour demander des garanties quant au projet de mise en concurrence.
Vous déploriez :
- Le fait que l’association du FIBD rejette les demandes de transmission des grilles d’analyse et de critères prévalant au choix des futurs candidats. Un positionnement qui nuit à la transparence, à l’objectivité et à la sécurité juridique du processus, ainsi qu’à son principe d’équité ;
- Le fait que l’association du FIBD impose, malgré vos recommandations, le statut juridique des candidats, excluant le statut associatif ou la possibilité de créer un groupement ad hoc ;
- Le fait que l’association du FIBD refuse la présentation à l’ensemble des financeurs publics du classement et des arguments prévalant au choix opéré à la suite de l’audition des candidats ;
- Le fait que le projet artistique et culturel ne soit pas plus mis en avant dans l’expression du cahier des charges.
Vous exigiez surtout la présence, lors des auditions des candidats, de deux personnalités qualifiées ayant une voix consultative, afin de permettre la transparence souhaitée dans le choix des candidats.
Lors des réunions de l’ADBDA, cette exigence a été réduite à une seule personnalité qualifiée pour finalement être abandonnée définitivement lors d’une réunion le 9 octobre, comme l’a précisé Madame Groux dans un communiqué publié par l’association le 15 octobre.
Par ailleurs, vous regrettiez que l’association du FIBD ne souhaitait plus s’appuyer sur l’ADBDA et son rôle consultatif. De notre côté, nous regrettons que les différentes organisations et syndicats d’auteur·ices n’y soient pas représenté·es dans leur diversité.
L’association n’a respecté aucun des points fondamentaux que vous leur aviez énumérés concernant les garanties de transparence et d’impartialité de cet appel à projets. Or, dans ce même courrier, vous menaciez même collectivement de remettre en question totalement ou partiellement l’attribution des financements publics affectés à l’organisation du FIBD à compter de son édition 2028, si ces conditions n’étaient pas prises en compte.
Sans personnalités qualifiées ni aucune grille de critères quant à l’examen des candidatures de cet appel à projets, confié au seul soin d’un jury composé exclusivement de membres de l’association du FIBD, il est désormais impossible de prouver que le choix du nouveau prestataire s’est fait en toute impartialité, et du reste, qui pourrait le croire ?
Comme nous l’avions prédit depuis plusieurs mois, la société 9eArt+ a bien été reconduite comme prestataire du festival, et ce, pour 9 ans, jusqu’en 2036, au terme d’un appel à projets fantoche, où l’égalité des chances entre les candidat·es et la transparence n’étaient pas de mise. L‘exigence d’un rapprochement entre la société 9e Art+ et la Cité de la bande dessinée nous semble être une tentative désespérée de maintenir 9e Art+ à son poste, en imposant à une institution une collaboration injuste et contre-nature.
Pour nous, acteur·ices principaux de ce festival, il est clair que nos revendications ont été balayées par l’équipe FIBD/9eArt+ avec le mépris habituel.
Les financeurs publics n’ont guère été plus écoutés et cela soulève une question grave : dans ce contexte, allez-vous remettre en cause le choix du vainqueur désigné par l’association du FIBD ou valider les conditions de cette mise en concurrence ?
Existe-t-il un consensus sur ces questions au sein de vos différentes institutions ?
Pour nous, auteur·ices de bande dessinée et autres acteur·ices qui faisons vivre cet événement, notre position est claire : tant que 9eArt+ sera là, nous refuserons de participer au festival.
SIGNATAIRES
STAA CNT-SO
MeToo BD
Ligue des auteurs professionnels
ABDIL
SNAP-CGT – Syndicat National des Artistes Plasticien·nes CGT
FutureOff
Collectif des créatrices de BD contre le sexisme
Snéad-CGT

2️⃣ Communiqué de presse du S.E.A., syndicat des éditeurs alternatifs
À l’issue d’un appel à projets sans suspense, l’association du FIBD a rendu ce samedi 8 novembre son verdict, renouvelant la société 9° Art+ dans son rôle d’organisateur pour 9 ans.
Le FIBD prouve une nouvelle fois son incapacité à entendre le monde de la bande dessinée qui rejette massivement depuis des mois la reconduction de cette société et de son dirigeant, Franck Bondoux, pour des raisons déjà largement exposées.
N’ignorant pas complètement les risques qu’il prenait, le FIBD a cru pouvoir s’en tirer par une pirouette en exigeant de 9° Art+ qu’il collabore avec la Cité de la bande dessinée, l’autre finaliste de l’appel à projets. C’est en réalité l’inverse qui se joue puisque, suite au communiqué des collectivités locales, c’est la Cité qui se voit contrainte de s’associer à 9eme Art+ alors même que Vincent Eches, le directeur de la Cité, avait manifesté par courrier son opposition à cet attelage contre-nature. La répartition des pouvoirs au sein de la structure qui réunirait 9° Art+, le FIBD et la Cité serait inévitablement en défaveur de cette dernière.
Le FIBD illustre donc une nouvelle fois son mépris pour la parole d’autrui et c’est bien 9° Art+, et seulement 9° Art+, qui conserve le contrôle du festival dans un pouvoir sans partage. Il y a là une captation évidente par des intérêts privés d’une manifestation qui relève depuis longtemps de l’intérêt collectif, quoi qu’en pense Delphine Groux, la présidente du FIBD.
Les partenaires publics (à l’exception de l’Etat) ont cru bon de valider cette combinaison éruptive sans consulter l’interprofession. Ils veulent croire à la promesse qu’a faite Franck Bondoux de se retirer de la direction du festival après l’édition 2027. C’est ne pas tenir compte du fait que Franck Bondoux détient la société 9° Art+, la société Partnership Consulting (en charge des partenariats commerciaux), ainsi que la marque 9° Art+ – une marque devenue radioactive pour une grande partie de la profession, comme son dirigeant. Le 25 septembre, Franck Bondoux a adressé aux partenaires publics un courrier de menaces dans lequel il les prévient qu’il les attaquera en justice pour faire annuler la procédure et réclamer des dommages et intérêts si 9° Art+ n’était pas reconduit.
Ce dénouement programmé place le festival dans une situation explosive.
Jamais le danger de voir disparaître la plus importante manifestation de bande dessinée n’a été aussi concret. Par cette consultation qui relève du simulacre, le FIBD menace l’existence même de l’évènement qu’il prétend protéger.
En conséquence de quoi le S.E.A dénonce le résultat de cet appel à projets, entaché par une opacité délibérée et par le refus des règles garantissant l’impartialité du processus. Le S.E.A réclame l’invalidation immédiate d’un résultat insincère et appelle les pouvoirs publics à réunir l’ensemble de la profession pour que soit mis en œuvre une réforme profonde du festival et un changement radical de gouvernance.
Le S.E.A appelle à la démission de Delphine Groux, dont l’irresponsabilité et les obstructions ont bloqué de bout en bout les échanges que les représentantes et représentants des artistes et maisons d’édition ont tenté de construire.
Le S.E.A appelle à la disparition de la société 9 Art+ et à la reprise des équipes par la future structure qui sera chargée d’organiser le festival.
Le S.E.A prévient enfin que si la parole des artistes et des maisons d’édition n’est pas considérée avec tout le sérieux qu’elle mérite, les conséquences seront majeures et probablement irréversibles. Dès 2026. Puis en 2027. Et peut-être à tout jamais. De nombreuses maisons d’édition du S.E.A ont d’ores et déjà annulé leurs stands pour l’édition 2026; d’autres vont bientôt grossir les rangs.
Finissons-en avec le mépris et les atermoiements. La bande dessinée, dans toutes ses composantes, ne supportera pas plus longtemps que le festival qui la représente n’écoute pas la colère qu’elle exprime depuis des années. Il faut revenir d’urgence à la raison !
Photo principale ©Thomas Mourier








