Pas facile d’être confiné. L’auteur belge Max de Radiguès a profité de cet ermitage forcé pour nous livrer un récit introspectif. Le vécu de l’auteur et le déroulé narratif semblent parfois s’entremêler, faisant appel à notre propre expérience de cette époque troublante.
Après cet acte terroriste paralysant la conquête spatiale, toutes leurs habitudes sont chamboulées avec la mise en place de l’état d' »Alerte 5” par la NASA. Les habitants de la base spatiale, cinq en tout, se voient obligés de rester enfermés dans leur appartement commun. Surgissent alors disputes, évolutions interpersonnelles, frustrations, remises en question, en bref ,une vie de groupe confiné.
Le point fort de cette bande dessinée est la complexité du traitement psychologique des personnages. Ces derniers, bien qu’étant des scientifiques chevronnés, apparaissent comme de grands enfants perdus face à une situation inédite. Ils se chamaillent, se réconcilient, tombent dans des interprétations irrationnelles, font des bêtises (fabriquer de la vodka avec des patates spatiales!)… Des thématiques sociales sont traitées du point de vue intime. C’est le cas du racisme subi par les communautés maghrébines après les attentats par exemple, exprimé à travers la suspicion spontanée de la part de l’équipage et envers le seul membre de l’équipage d’origine marocaine.
De plus, certains nus et scènes de sexe, présentées de manières anodine et banale apportent un aspect sérieux à un récit parfois comique et attendrissant. Deux personnages décident d’entamer une relation exclusivement sexuelle, mais l’un des deux se sent lésé, ne pouvant exprimer ses sentiments et son ressenti, à cause de ce projet qu’il juge impersonnel. Une situation en suspens et frustrante illustrant l’ambiance du livre.
La simplicité du dessin, qui au premier abord peut sembler fade, et freiner la complexité du récit, n’empêche en rien l’auteur de nous transmettre les émotions de ses personnages. Parfois, quelques traits suffisent pour montrer un deuil, une gêne, la colère… Le récit présente de temps à autre un certain suspense, à travers la succession d’images pertinentes et s’arrêtant brutalement.
Un manuel pour gérer l’ennui sur la Station Spatiale Internationale, mais aussi sur Terre (parce qu’au final, c’est pareil !)
Le sujet omniprésent aujourd’hui autour des réseaux sociaux est également mentionné. Un des personnages est, après une décision unilatérale, livré en pâture aux réseaux. Il regarde les réactions sur twitter à son propos, la plupart accusatrices et invectives, et l’on aperçoit une fine référence, à travers le tweet d’un « angry white male » aux yeux plissés et à la banane dorée en guise de chevelure 🤔. Ce même personnage, plongé dans une solitude opaque et une remise en question douloureuse, passe le plus clair de son temps sur sa tablette, à visionner des contenus de la plateforme au fameux N (tudum!). Une habitude présente chez des millions d’entre nous, surtout durant l’année dernière.
Alerte 5 lance, avec d’autres titres tel que Un beau voyage, l’apparition probable d’un courant de fictions tournant autour de la thématique du confinement. Bande dessinée intéressante et facile d’accès, la compétition avec les autres ouvrages sur la même thématique nous dira si elle restera dans la postérité ou se fera avaler par la saturation des lecteurs.
Illustration principale : © Alerte 5/ Max de Radiguès/ Casterman
