Sur une île inconnue se trouve une effrayante usine toute rouge et couverte de pics. Elle domine la ville et y joue un rôle funeste : tous les jours, elle avale les appels à l’aide des enfants. Réduits au silence, ils n’incommodent pas les adultes qui n’ont ainsi pas besoin de faire face à la dure réalité des actes que les enfants subissent. Nous suivons l’histoire d’une frère et une soeur, séparés par le divorce de leurs parents. Chacun de leur côté, ils vont subir un viol par un adulte de leur entourage… et seront aussitôt réduits au silence par l’usine. La maîtresse d’école, physiquement blessée par ses propres traumatismes d’enfance, sera-t-elle capable de les aider à briser la loi du silence ?
Pour évoquer ce sujet compliqué, Théa Rojzman a choisi la voie de la fiction métaphorique. L’agression est suggérée, la façon dont les enfants sont réduits au silence est représentée de façon très concrète avec la présence de l’usine. Elle l’explique en postface, Grand Silence c’est une histoire qui la touche directement, puisqu’elle-même a été victime d’abus dans son enfance.
Cette oeuvre, elle y travaille depuis de nombreuses années et ce n’est qu’au fil du processus qu’elle a trouvé son illustratrice, Sandrine Revel. Et le choix est plus que judicieux : avec son trait doux et ses couleurs mélancoliques, l’artiste a su créer cette atmosphère à la fois belle et étouffante, où les actes honteux deviennent très vite des secrets. Sur la fin, on regrettera peut-être un dénouement un peu facile où la métaphore n’a plus vraiment sa place. Mais le duo a le mérite de s’attaquer à une thématique importante, trop souvent laissée de côté par lâcheté. Un album nécessaire et courageux.
Grand silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel, Glénat, Sortie 2 juin 2021
Illustrations : © Sandrine Revel / Glénat
