Parfois, des bandes dessinées cherchent délibérément à ne pas rentrer dans les cases. C’est assurément le cas de La fille du quai.
Histoire fantastique que l’on pourrait croire écrite en duo par Maupassant et par une vieille conteuse de veillée campagnarde, La fille du quai fait tout pour perdre son lecteur.
Quel est ce monde où, sans qu’aucune explication ne soit donnée à cela, les maisons semblent sur certaines cases venir du ciel, et les squelettes de géants hanter les sous-bois, comme s’ils avaient perdu il y a bien longtemps une bataille dont tout le monde aujourd’hui se moquerait ? Quel est ce héros qui refuse de poser le pied au sol ? Quelle est cette fille légendaire, moitié ondine moitié fantôme qui semble maudire ceux qui la voit ? Quelle est cette étrange bande dessinée qui puise un peu dans les récits de cape et d’épée, un peu chez Jack l’Éventreur, un peu dans les mythes de marins ou encore dans les récits érotiques les plus sombres ?
Inclassable mais mémorable?
Inclassable, La fille du quai l’est certainement. Mais mémorable, également. Le dessin réaliste et rêveur de Fabrice Meddour donne vie à un monde qui pourrait sans problème être le nôtre, mais qu’il choisit, par des détails gratuits, de rendre autre.
Le scénario qu’il a écrit avec Alexine pourrait être entre thriller noir et conte fantastique, mais les deux plumes ont décidé d’en faire autre chose, un récit qui parfois s’égare sans raison entre les genres, parfois laisse des zones d’ombres de façon volontaire dans son intrigue, parfois choisit des modes de narration déroutants, refusant à son lecteur une histoire lisse, homogène et attendue.
Une bande dessinée qui prend aux tripes
Au final, La fille du quai est un objet inattendu, un récit de grand-mère qui refuse de se livrer complètement à son lecteur pour mieux chercher à atteindre son inconscient, une expérience de lecture belle et cruelle, qui s’adresse peut-être plus aux sens qu’à la logique. Une curiosité qui nourrit les yeux et les tripes plus que le cerveau. Une bande dessinée à découvrir, à tester, à détester peut-être, ou au contraire à adorer.
La fille du quai, d’Alexine et Fabrice Meddour, Glénat
Illustrations © Alexine et Fabrice Meddour / Glénat