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par Alfro - le 24/03/2015
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par Alfro - le 24/03/2015

Le Reste du Monde, la critique

Jean-Christophe Chauzy est un auteur que l'on croise régulièrement dans les librairies BD depuis des années, qui nous propose souvent des histoires rock'n'roll et azimutées. Nous l'avions notamment apprécié avec Rouge est ma Couleur, où il adaptait, en compagnie de Marc Villard, le roman de ce dernier. Cette fois-ci, c'est seul qu'il nous propose Le Reste du Monde.

"Le retour à la civilisation..."

Le Reste du Monde frappe dès que l'on a BD en main. Casterman nous livre un objet conséquent, à l'édition impeccable et qui en impose par sa seule présence. Chauzy bénéficie ainsi de grands espaces pour y déployer ses planches toutes en aquarelles sensibles et mises en page frappantes. Avant même d'avoir lu la première ligne de dialogue, l'auteur nous séduit par son dessin aussi naturaliste que délicat. Il faut dire que la bande dessinée s'ouvre sur les magnifiques paysages des Pyrénées alors que l'été se finit. C'est dans ce contexte que l'on découvre la famille qui sera au centre de cette histoire, un groupe somme toute classique avec ses problèmes tristement banals.

Marie est enseignante et est venue passer ses vacances dans un petit chalet avec ses deux jeunes garçons. Septembre pointant le bout de son nez, elle commence déjà à penser à ses cours et à la rentrée de ses enfants, et surtout, elle pense à son salaud de mari qui s'est barré avec une fille "plus jeune, plus ferme, plus bandante". Triste mais si terriblement normal. Pourtant, tout va bien vite changer pour cette femme obnubilée par son divorce et la trahison d'un homme qu'elle n'arrive pas à  à oublier, surtout que Jules et Hugo, ses deux garnements, ont l'innocente cruauté enfantine de toujours réclamer auprès de leur géniteur. Chauzy nous pose intelligement ce contexte familial qui permet de saisir toute la psychologie de son héroïne. C'est ainsi des personnages très humains qu'il va pouvoir plonger au cœur de l'horreur la plus pure.

"Cela va bien finir par se calmer."

Tout le propos de cette BD, se sera de confronter cette femme on-ne-peut-plus normale dans une situation qui va très vite dépasser son entendement. Elle va devoir faire face au réveil de la Nature. Là aussi, Chauzy joue très bien le coup, en nous présentant d'abord le cadre pyrénéen dans sa splendeur bucolique pour ensuite nous rappeler ce que la Nature peut avoir de plus effrayant quand elle se déchaîne. Orage monstrueux et séismes costauds, ce qui était le cadre rêvé pour des vacances se transforme très vite en un piège fatal pour des humains qui se rappellent leur condition de grains de sable de l'univers. Surtout qu'après l'horreur naturelle, vient l'horreur humaine, bien plus sordide.

Coincée dans cette vallée où tous les accès se retrouvent coupés, la petite famille parisienne découvre le rationnement et la débrouille. Dans un premier temps du moins. Car très vite, les vivres se faisant rares, la situation trainant en longueur et la promiscuité n'aidant certainement pas, on nous ressort le fameux "l'Homme est un loup pour l'Homme". La construction d'un Walking Dead où la Nature déchaînée aurait remplacé les zombies. La petite famille va alors se rappeler la puissance humaine, l'instinct de survie excité tout azimut alors que le tissu social se désagrège et que le vernis civilisé disparait face aux épreuves. La BD se termine sur une note étrange cependant : malgré ses allures de one-shot (la dernière planche offrant même une superbe conclusion) l'album de Chauzy se conclue par un "à suivre" qui laisse circonspect. Jeu de l'auteur avec son lecteur? Une suite est-elle vraiment prévue ? Gênant dans tous les cas, car on ne considère pas la BD de la même façon si elle est le début d'une histoire ou un récit complet.

Le Reste du Monde est une BD qui s'apprécie d'abord visuellement, Jean-Christophe Chauzy prenant un plaisir visible à peindre ces vastes espaces, tantôt sublimes, tantôt terribles. S'il nous livre des personnages criants de vérité, nous amenant à nous prendre d'empathie pour eux, nous restons tout de même gênés par la construction d'un récit qui ressert ce sujet sur la véritable nature humaine qui revient dans la confrontation, mais sans y apporter grand-chose de neuf. Reste une BD magnifique et touchante.

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