Les premières pages de Mundus, de Laurent Queyssi & Oriol Roig, donnent le ton avec un texte intriguant : “Rien ne dit que cette édition ne soit pas en elle-même une porte vers le Mundus Imaginalis auquel il fait référence et dont vous êtes le gardien et le législateur”. Mundus sera méta ou ne sera pas.
L’histoire commence pourtant de manière assez classique : Des personnages mystérieux mettent le bazar dans une petite ville des années 90, où un groupe de potes un peu geeks fête la fin de l’année scolaire. Très vite, ces derniers vont se retrouver projetés dans un univers qui semble issu d’un célèbre roman de SF. Et ce ne sera que le début d’une longue série d’événements par le biais desquels Laurent Queyssi s’amuse à questionner la frontière entre fiction et réalité.
Mais avant cela, c’est l’occasion pour le scénariste de se faire un gros plaisir geek bourré de références à la pop-culture, mêlant joyeusement univers de fiction de notre réalité et œuvres inventées pour l’occasion. Se rencontrent donc en vrac des romans de science-fiction à la Dune, un jeu de rôle ambiance Angleterre victorienne (Sherlock Holmes et Jack l’éventreur inclus, avec un twist extraterrestre), un univers cyberpunk façon Akira ou William Gibson, et des tonnes de références plus discrètes disséminées au détour d’un poster ou d’une phrase des protagonistes. L’auteur est aussi passionné de pop-culture que ses personnages, et ça se sent.
“Et si nous étions tous des personnages de fiction ?”
Ce joyeux mélange permet également à Laurent Queyssi de développer une réflexion (revendiquée, à juste titre) sur “la puissance de la fiction et son influence sur le réel”. Spécialiste de l’œuvre de Philip K. Dick, il lui fait honneur : sans atteindre la profondeur du travail de l’auteur américain sur le réel (et qui pourrait lui reprocher ?), il réussit à nous troubler en ajoutant différentes strates de lectures pour brouiller les frontières entre lecteurs, personnages, univers représentés et réalité. Si l’univers d’origine des personnages principaux semble si proche du nôtre dans les années 90, on comprend peu à peu qu’il est bien distinct de notre réalité, et que celle-ci a également sa place dans l’œuvre. Un exercice difficile dont il fait une réussite.
L’influence de la BD américaine et de ses codes est prégnante : sur le fond, avec des références multiples aux super-héros, mais surtout dans la forme avec des chapitres adaptés au format de prépublication américain et un découpage très efficace façon comics d’Oriol Roig. Ce dernier joue avec les frontières des cases, les superpose, et se permet de régulières pleines pages bien impactantes. Il démontre également un vrai talent pour élaborer des planches dynamiques, quitte à y perdre parfois légèrement en lisibilité. L’intégralité de ce premier volume bénéficie d’une superbe mise en page autour de l’histoire, de la couverture jusqu’au cahier graphique de fin, en passant par les pages d’ouverture (dotées d’un très joli lettrage) et le chapitrage.
Une création originale européenne façon comics qui oscille brillamment entre gros plaisir geek ultra référencé et réflexion intéressante sur les œuvres de fiction, leur place dans nos vies et dans nos imaginaires. Une vraie réussite dont on attend le tome 2 avec impatience !
Mundus vol.1, de Laurent Queyssi & Oriol Roig, 404 Comics
Illustrations : © Laurent Queyssi / Oriol Roig / 404 Comics
