Étrange titre que « Shi ». Les trois lettres renvoient à un idéogramme japonais qui veut dire mort. Mais par homophonie, shi est aussi le son qui veut dire quatre. Le titre de cette bande dessinée est un jeu de mot en japonais ; d’emblée, les auteurs annoncent la couleur : dans Shi, une histoire peut en cacher une autre, les choses se dévoileront petit à petit, et rien ne sera simple.
De quoi parle Shi, alors ? Principalement de deux femmes que tout oppose, amies qui vont se trouver et se rebeller contre une société qui les oppresse. En toile de fond de tout cela, on trouvera un groupe d’anciens combattants nostalgiques de la grandeur de l’Empire britannique, des enfants perdus des rues de Londres, de la magie japonaise, et la reine Victoria elle-même. Tout cela se passe au XIXe siècle, mais une autre intrigue se superpose à la première : à notre époque, une étrange société secrète de femmes se venge de ceux qui tuent leurs enfants, en n’hésitant pas à faire leur la devise « œil pour œil, dent pour dent »… et enfant pour enfant.
Étrange mélange que « Shi », donc. Une intrigue principale dans l’Angleterre victorienne, mais des pages dans une machination à l’époque contemporaine. Un cadre historique et réaliste fouillé, mais qui au final sert une histoire dans laquelle le fantastique s’invite tardivement de façon frontale et brutale. Une histoire de vengeance et d’émancipation féminine, mais les héroïnes d’hier semblent donner naissance aux monstres de demain. Rien n’est clair, tout est complexe, nuancé, troublé. Et c’est probablement ce qui fait la force de cette bande dessinée. Le premier cycle, en quatre tomes, s’était achevé en 2020, mais s’il bouclait l’intrigue principale il ne faisait qu’effleurer l’univers. Le second cycle vient de démarrer avec l’album Black Friday, paru en février 2022. Et les (nombreux) fans de l’œuvre sont au rendez-vous.
Shi, de Zidrou et Homs, Dargaud
Sorti en Février 2022
Illustrations : © Zidrou / Homs /Editions Dargaud
