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Critiques
par Thomas Mourier - le 18/09/2020
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par Thomas Mourier - le 18/09/2020

Spirou chez les Soviets de Fred Neidhardt & Fabrice Tarrin

Spirou chez les Soviets se présente comme un album d’action-humour façon Tome & Janry qui se double de clins d’œil pour le plaisir du lecteur averti. One-shot ou début d’une nouvelle ère pour le groom, on espère que ce Spirou ne sera pas le dernier du duo.

Spirou chez les Soviets de Fred Neidhardt & Fabrice Tarrin, Dupuis

À la fois héros intemporel et série composite, Spirou est un cas assez unique dans le paysage de la bande dessinée franco-belge. Ce personnage passe d’auteur en auteur, enrichissant son univers selon les idées ou le style de ses repreneurs et le titre offre plusieurs époques, hors-séries et sous-séries.
Si plusieurs créateurs se sont succédé sur le titre depuis 1938, c’est au tournant des années 2000 que Dupuis passe à la vitesse supérieure en confiant son héros à plusieurs équipes créatives : il y a désormais la série dite classique et des albums « Le Spirou de… » qui permettent à des créateurs d’aller un peu plus loin dans l’appropriation du personnage. Certains sont même devenus canoniques et parmi les préférés des lecteurs, comme la version d’Émile Bravo dans Le Journal d’un ingénu et ses suites Spirou ou l’espoir malgré tout

En 2020, Fred Neidhardt & Fabrice Tarrin publient Spirou chez les Soviets, leur Spirou à la fois vintage, mais aussi hommage à la bande dessinée belge. Les deux auteurs sont de grands habitués du personnage, en 2006 Fabrice Tarrin a dessiné Le Tombeau des Champignac sur un scénario de Yann. De son côté Fred Neidhardt avait réalisé une fausse histoire attribuée à Rob-Vel, créateur du personnage, pour un 1er avril. Et les complices ont publié des strips parodiques Spouri et Fantaziz, dans le Journal de Spirou. Fabrice Tarrin change son trait après son album Le Tombeau des Champignac pour un style plus proche du travail d’André Franquin. Un dessin élégant, porté sur le mouvement aussi à l’aise pour interpréter l’héritage des grands maîtres de Franquin à Uderzo que d’y insuffler des choses nouvelles. C’est la grande réussite du livre, ce style un peu rétro associé à l’humour très référencé qui fonctionne à merveille. 

Cette fois, l’album s’inscrit dans le format classique, à la suite de ceux de Fabien Vehlmann & Yoann, l’équipe actuelle qui réalise les titres de la série principale. Spirou chez les Soviets se présente comme un album d’action-humour façon Tome & Janry qui se double de clins d’œil pour le plaisir du lecteur averti. Les auteurs s’amusent à glisser références à Tintin et son premier voyage en URSS, à mettre en scène Gaston ou De Mesmaeker dans les bureaux de Dupuis devenu un QG façon James Bond où Spirou et Fantasio deviennent des reporters du journal communiste Vaillant — Pif. Côté Spirou, c’est tout un pan de sa mythologie qui est convoqué depuis le dictateur et le champignon à QRN sur Bretzelburg, en passant par le Rayon Noir. 

Les auteurs s’éloignent de Spirou à Moscou, l’album de Tome & Janry qui avait déjà emporté nos héros en Russie en 1990 et cherchent d’autres terrains de jeux dans cet imaginaire Sovietique. Ici, il ne s’agit pas de dénoncer, mais plutôt de jouer avec les clichés : goulag glacé, agents du KGB, passages secrets, Natalia une athlète dopée aux stéroïdes, la Tigresse du goulag (une pensée pour le jeune Jean-Claude Tergal) ou encore le scientifique fou. Ce dernier, inspiré d’un personnage historique & de ses théories sur la génétique, Trofim Lyssenko, devient le méchant de cette aventure kidnappant le comte de Champignac pour l’aider à répandre le virus du communisme sur Terre.   

Le pastiche ou la parodie ne sont jamais loin, mais l’album reste bien construit et on s’amuse des strips de Lebrac pour la Pravda Junior ou des nouvelles responsabilités de Gaston, en bonus, de cette aventure presque classique même si on aurait souhaité une fin un peu moins didactique. Un bon album qui se présente comme un hors-série réussi, une parenthèse décalée dans la nouvelle ligne actuelle et qui ne plaira pas à tous les puristes mais fera la joie d’un public nouveau ; ou en tout cas, celle de lecteurs sensibles à cet humour référencé porté par ce dessin captivant. One-shot ou début d’une nouvelle ère pour le groom, on espère que ce Spirou ne sera pas le dernier du duo.  

Spirou chez les Soviets de Fred Neidhardt & Fabrice Tarrin, Dupuis


Illustration principale © Fred Neidhardt / Fabrice Tarrin / Dupuis

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