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Édito
par Thomas Mourier - le 15/12/2022
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par Thomas Mourier - le 15/12/2022

« Dans les yeux de Bastien Vivès », l’exposition qui ouvre à nouveau le débat au delà de son annulation…

Depuis l’annonce de l’exposition « Dans les yeux de Bastien Vivès » par le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, plusieurs voix s’élèvent pour mettre en lumière le côté problématique d’une partie de son œuvre et de certains de ses propos. Depuis hier, l’exposition est officiellement déprogrammée et ce matin, l’auteur a publié un mea culpa.

En proposant une exposition carte blanche à l’auteur, le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême (FIBD) a remis en lumière l’œuvre d’un auteur qui depuis 2018 et la publication des albums Petit Paul et La Décharge mentale a créé un sentiment de malaise parmi ses lecteur.trice.s. L’annonce de cette mise en avant au FIBD a donné une ampleur nationale, voire internationale, à ces problématiques autour de ses livres et ses prises de paroles.  

Accusé de banaliser la pédopornographie et l’inceste à travers ses œuvres, certains témoignages compilent des extraits de certains de ses livres ou citations d’interviews de l’auteur.

Parmis eux/elles, la dessinatrice Emma qui publie un post révélant des propos agressifs tenu par l’auteur à son encontre sur les réseaux sociaux

Dans le communiqué du ​​Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme du 15 décembre, on peut lire : 

« Nous trouvons que le FIBD traite avec légèreté son choix de consacrer une exposition à un auteur indéniable, mais qui pose problème tant par sa production d’images pédopornographiques, que par ses réflexions personnelles totalement inadaptées sur l’inceste, l’homophobie ou la pédophilie, ainsi que par une vision archaïque de la femme (culture du viol, non-consentement, hyper sexualisation, confusion des âges…) tenant visiblement à faire perdurer, au nom de la liberté d’expression, un modèle étouffant de la bande dessinée. Or ce modèle est battu en brèche et aujourd’hui totalement dépassé dans une création post-#Metoo »

Exposition annulée 

Si certain.e.s demandaient des explications au festival sur ses choix de programmation, deux collectifs réclamaient une intervention des pouvoirs publics et l’annulation de l’exposition. 
Avec une pétition récoltant plus de 110 000 signatures, initiée par Le Mouvement BebraveFrance qui lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, une autre par des étudiant.e.s des Écoles d’Art d’Angoulême, mais plusieurs dizaines de témoignages sur les réseaux sociaux ont poussé l’organisation du FIBD et l’auteur à réagir.

Une annulation suite à des « des menaces physiques » à l’encontre de Bastien Vivès et de l’équipe du festival peut-on lire dans un communiqué de presse hier, avec un appel au débat suite à ces dernières semaines.

« Il paraît indispensable de poser ce débat dans la sérénité. Le Festival le conduira dans le temps de son déroulement via son traitement dans le cadre d’un forum prospectif où il ne manquera pas de convier certain.e.s des internautes parties prenantes qui se sont exprimé.e.s récemment en l’interpellant.
[…]
Le Festival espère que son annonce contribuera à ramener de la sérénité dans une situation qui l’exige désormais, et forme des vœux pour que les invectives et menaces cèdent la place au débat.
»

Et le FIBD indique ne pas avoir eu tous les éléments avant de programmer son exposition et incitent l’auteur à s’en expliquer : 

« Bastien Vivès a tenu différents propos – étalés dans le temps – qui peuvent paraître à certains et dans l’absolu, très choquants et/ou déplacés : le Festival n’avait pas initialement connaissance de nombre d’entre eux. Compte tenu de la situation, il appartient à l’auteur de s’expliquer, de la manière qu’il jugera opportune, sur leur sens, leur raison d’être et de préciser les circonstances dans lesquelles ils ont été prononcés. »

Aujourd’hui, Bastien Vivès poste sur Instagram un long message sous forme de mea culpa où il indique qu’il « condamne la pédocriminalité, ainsi que son apologie et sa banalisation. Je condamne la culture du viol et les violences faites aux femmes. Je tiens à exprimer ma solidarité sincère envers les victimes d’inceste et de tout autre abus sexuels. En aucun cas, mes livres ne doivent être lus sous le prisme de la complaisance envers ces crimes.. »

Le dessinateur s’excuse pour ses propos « sans filtre » sur les réseaux sociaux et auprès de la dessinatrice Emma « C’était gratuitement violent, irrespectueux et surtout indigne. J’ai quitté Facebook et Twitter quelques temps après. »

Il conclut par « Aujourd’hui je me rends compte qu’au-delà de mes œuvres, ce sont surtout mes propos qui ont choqué, j’aurai désormais la plus grande attention lorsque je m’exprimerai en public ou dans les médias. »

Un débat à suivre

Bien que l’exposition soit annulée, le travail de Bastien Vivès continue d’interroger. Par un effet Streisand, les livres cités se retrouvent dans le top des ventes du géant de l’e-commerce depuis quelques jours et beaucoup d’internautes sur les réseaux sociaux partagent l’article 227-23 du code pénal, questionnant la légalité de ces œuvres. 

« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Lorsque l’image ou la représentation concerne un mineur de quinze ans, ces faits sont punis même s’ils n’ont pas été commis en vue de la diffusion de cette image ou représentation.

Le fait d’offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l’importer ou de l’exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines. »

De son côté le ​​Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme souligne dans son communiqué que cette annulation n’est pas une conclusion : 

« Le Collectif des Créatrices de BD contre le sexisme ne souhaitait pas l’annulation de l’évènement et même si nous déplorons fortement les « menaces » reçues par Bastien Vivès et les organisateurs, nous attendions avant tout des excuses et surtout des explications de la part de ces derniers. Il n’y en a pourtant aucune trace dans le communiqué du FIBD annonçant la déprogrammation de l’exposition.

Nous rappelons néanmoins l’obligation faite aux festivals et autres manifestations culturelles en France bénéficiant de dotations de l’Etat, d’œuvrer activement contre les violences et harcèlements sexuels et sexistes. »

À suivre donc, avec ce débat public qui sera organisé à Angoulême mais aussi en ligne, d’autant plus que Bastien Vivès prépare, avec plusieurs auteur.trice.s, une collection de livres érotiques chez Casterman. 


Image principale : capture d’écran du site du FIBD : bdangouleme.com

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