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par Sullivan - le 27/01/2016
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par Sullivan - le 27/01/2016

Prix BD FNAC 2016 : l'interview de Benjamin Renner (Le Grand Méchant Renard)

Invité pour la première fois à participer au prix BD FNAC, 9emeArt.fr était présent à Paris la semaine passée dans le cadre de la remise d'un prix disputé entre les excellents Undertaker, Le Sculpteur, California Dreamin', Le Piano Oriental, Cher pays de notre enfance et le Grand méchant Renard. C'est ce dernier qui est d'ailleurs reparti vainqueur de la très belle péniche où était organisée la non-moins classe cérémonie, et où nous avons eu la chance de rencontrer et d'échanger avec Benjamin Renner, lauréat 2016 qui a reçu son prix des mains de son prédécesseur (lui aussi avec un album Delcourt), Wilfrid Lupano

Découvrez aussi : la version Turbomédia interactive du Grand Méchant Renard.

Disponible, souriant, modeste et détendu, c'est un super mec que nous avons découvert derrière son album si tendre et si intelligent, et je vous propose de retrouver notre entretien d'une quinzaine de minutes ci-dessous. Encore bravo à lui et à son éditeur, qui va pouvoir lancer une véritable salle des trophées dans son nouvel immeuble Parisien. Merci aussi à la confiance de la FNAC, c'était chouette. 

Benjamin Renner, l'interview

• Hello Benjamin ! Pas trop dure la vie de vainqueur du prix FNAC 2016 ? 

Écoute pour l'instant je ne me rends pas compte de grand chose, je te dirai peut-être ça dans quelques jours. Pour l'instant c'est cool, on a des bières. 

Tu t'y attendais un petit peu à ce prix ? L'album est sorti en Janvier dernier, ça fait un moment que le public le connait.

Honnêtement j'imaginais pas du tout que c'était une BD qui pourrait avoir des prix. Pour moi c'était une aparté dans ma carrière d'animateur et une histoire très légère, qui n'a pas forcément de poids.

Pourtant...

Alors non mais elle avait du sens mais je pensais pas que le public y serait sensibe et j'ai été le premier surpris que le public réagisse sur ces petites choses qui s'étaient glissées dans la BD.

L'album est déjà un peu la suite spirituelle d'un bébé à livrer (un album paru chez Vraoum en 2010), avec le même univers de basse-cour.

Oui j'aimais vraiment cet univers et c'était l'occasion pour moi de le compléter, de l'enrichir un petit peu. J'aime bien cette notion qu'on retrouve par exemple chez les studios Aardman, qui utilisent le personnage du mouton pour en faire Shaun the Sheep sans que ça révolutionne tout l'univers, aussi bien que le court-métrage l'avis des bêtes fait partie du monde de Wallace & Gromit et ainsi de suite.

J'aimais aussi cette idée d'une histoire façon contes du chat perché, avec des petits animaux qui vivent leur vie en marge des humains dans leur propre petit village, tout en ayant ce côté Schtroumpf qui te permet d'extraire n'importe quel personnage pour raconter une histoire avec lui. J'aimerais bien à chaque fois prendre un personnage différent pour le développer.


Parce que tu comptes y revenir, à cet univers ?

Pas pour le moment parce que là j'en bouffe pas mal, je suis en train d'adapter le Renard en film d'animation, un 26 minutes. Du coup en ce moment j'ai envie de sortir un peu de cet univers, de changer de recherches, de ton etc. 

[On vient alors nous proposer un verre pendant l'interview, quand Benjamin et toute sa modeste lâchent : Euh, c'est pas abusé si je vous prends une bière ? S'en suit une longue discussion sur les jeux de plateau dont je vous dispense] 

Excusez-moi, je vous ai fait dériver !

Pas de mal, au contraire !

Tu disais à l'époque de Vraoum que tu avais fait un bébé à livrer pour ta nièce, là cet album est dédié à 3 personnes, donc ?

Haha non, ce sont mes neveux et nièces. Tout le monde croit que ce sont mes enfants mais non ! 

C'est ce que je me disais, t'es quand même un jeune auteur et à moins d'avoir eu des triplés, ça paraissait compliqué.

Non non, je pourrais, je devrais avoir des enfants à mon âge mais ce sont bien mes neveux et nièces. Mais d'ailleurs dans l'album ça se ressent, le renard n'a pas le rapport d'un père (ou d'une "maman") avec les poussins, c'est plutôt... un mec, moi finalement. Quelqu'un qui a un rapport un peu distant aux enfants et qui les découvre à chaque fois à un âge particulier et qui sait pas trop gérer ça. 

Je voulais que le Renard soit un peu comme moi, à les trouver attachants, à vouloir les aider sans trop savoir comment faire, même si parfois les enfants me cassent vraiment les noix ou sont vraiment pénibles et il y a d'ailleurs certaines où ce sont eux. Je n'ai aucun talent, je n'ai fait que reprendre des vraies situations vécues avec eux dans la vraie vie. Par exemple le fait que tu ne saches pas pourquoi ils t'adorent, c'est un truc qui m'a choqué, cette idée que les poussins adorent le renard dès le début, c'est parce que je vois mes nièces et neveux à peu près tous les ans, au début ce sont des bébés, ils comprennent rien... Puis ils grandissent, ils grandissent et vers 4-5 ans ils commencent à parler et je m'attendais à ce que ce soit notre premier contact de communication sauf qu'ils m'ont sauté dessus et ils m'adoraient, alors que moi je les connaissais pas plus que ça, mais eux m'ont adoré immédiatement, sans rencontre, ils connaissaient mon nom etc. Du coup c'est un peu trop d'amour d'un coup, tu sais pas comment gérer ça.

Et ils sont en âge de lire la BD aujourd'hui ?

Oui oui, ils l'ont lue, et je ne leur ai pas dit que c'était particulièrement sur eux parce que ça aurait pu être vexant à certains égards, mais ils ont vraiment apprécié, et ils rejouent les scènes entre eux, je trouve ça super touchant

Et pour le futur dans la BD, tu aimerais t'attaquer à un format et/ou une narration plus traditionnelle, en abandonnant le gaufrier à 9 cases du Renard par exemple ?

En fait je suis un peu limité par mon talent, par exemple je ne dessine pas les décors parce que je n'aime pas ça, c'est peut-être une question de flemme. Là j'ai plutôt en projet d'être au scénario ou au storyboard, mais c'est encore flou donc je vais rester évasif, avant de refiler ça à un auteur que j'aime bien. J'ai envie d'aller plus loin.

Tu as une histoire, une saga ? 

C'est encore entre plein de formats, j'ai mon personnage, je sais ce que je veux raconter mais j'ai pas encore défini si je voulais l'étirer sur une saga mais c'est encore trop vague pour que je puisse vraiment te dire où je vais aller.

Et pour revenir sur la genèse du projet, comment es-tu arrivé chez Delcourt ? 

C'est passé par Lewis [Trondheim] en fait, c'est un auteur que j'ai toujours adoré et qui m'a vraiment décoincé avec la bande-dessinée pendant mes études d'art. Je l'avais rencontré très brièvement pendant un festival en lui montrant mon boulot, mais j'avais suivi son boulot que j'aime énormément et ce qu'il a su créer dans la BD, aussi. Il est en quelque sorte le représentant d'une libération de la BD et en gros j'étais en contact avec Guy Delisle et...

C'est marrant le lien entre le guide du mauvais père et l'histoire du renard ! 

[Rires] Et pour le coup Guy je l'ai eu en tant qu'intervenant dans mon école et du coup on est restés en contact, puis il m'a donné le mail de Trondheim à qui j'ai présenté le dossier, Lewis m'a rappelé et ainsi de suite. Ça s'est passé comme ça, et c'est moi qui ai fait le premier pas vers Lewis.

Et tu te sens du monde de la BD aujourd'hui, plus que de l'animation ? [Rappel : Benjamin est à l'origine du fabuleux Ernest et Célestine] 

C'est difficile à dire, j'ai pas l'impression d'appartenir à un monde particulier. Par exemple j'adore le jeu vidéo et j'adorerais un jour pouvoir mettre un pied dans ce milieu aussi, même discrètement. C'est plus qu'une question d'outils et de mediums, quand j'ai une histoire, qu'est-ce qui sera le meilleur format pour la raconter ?

C'est marrant, le luxe de cet embarras du choix, c'est quelque chose qu'on retrouve chez tous les artistes qui naviguent entre l'animation et la BD.

Bon après ça veut pas dire que j'arrive à le concrétiser, mais ça veut pas dire que les gens vont te suivre derrière. Je sais pas si aujourd'hui je peux arriver avec un projet et les gens me répondent "oui" direct, c'est même quelque chose qui m'effraie un peu, la perte d'objectivité des gens par rapport à un prix ça peut être dangereux. J'ai tendance à freiner un peu ça et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle je fais des va-et-vient entre les milieux. 

Je t'avoue que je me sens pas forcément légitime d'avoir le prix à côté des noms qui étaient nommés, je suis touché et j'adore ça mais quand je vois les autres, j'ai presque honte. Bon j'exagère mais les trucs de compétition c'est toujours délicat.

En même temps tu ne fais pas exprès de gagner...

Nan mais c'est comme les Césars et tout, au début tu as une espèce d'emphase incroyable où tout le monde se félicite, et petit à petit la salle se remplit de perdants, et finalement il y a une espèce d'ambiance qui se crée et quand tu en sors, il y a vraiment une salle ambiance. Évidemment, toute l'attention va vers le gagnant alors que tout le monde a le mérite d'être là déjà.

C'est peut-être aussi juste de la modestie bien placée, une question d'éducation.

En plus je sais jamais quoi dire dans ces cas-là, merci Maman, merci Papa !

Merci à Benjamin, surtout ! Quant à nous, on se dit à très vite pour les très (très) nombreuses interviews glanées directement à Angoulême, et on déplace la rédac' pendant 4 jours dans le Poitou-Charentes ! 

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