Dans une réalité parallèle, le Joker a commis l’impardonnable : il a réduit Métropolis en cendre, a tué Lois Lane et son enfant à naître. Ravagé par la colère et la douleur, Superman le massacre, et décide d’imposer la paix sur Terre par la force : en créant un gouvernement mondial dont il prend la tête.
Naturellement, Batman ne l’entend pas de cette oreille, lui qui est bien conscient de la pente dangereuse sur laquelle l’homme d’acier s’est engagé. Deux camps se forment alors autour des plus grands héros de la planète : d’un côté, le régime de Superman soutenu par Green Lantern, Wonder Woman, Flash, ou encore Cyborg, de l’autre la résistance guidée par Batman accompagné de Catwoman, Green Arrow, Batwoman…
Quel sort attend la Terre quand les plus grands héros du monde se déchirent et s’affrontent, quand les dieux eux-mêmes prennent partis et déchaînent des puissances inconcevables ?
La rencontre de deux médias
À l’origine, la série Injustice : Gods Among Us est une prequel au jeu de combat du même nom sorti en 2013, développé par NetherRealm Studios et édité par Warner Bros. Interactive Entertainment.
Succès planétaire, le jeu mettait en scène l’affrontement entre un Superman devenu dictateur et un Batman leader de la résistance contre le régime du despote, entraînant tous les héros du globe dans une lutte fratricide. La série de comics raconte l’ascension des deux camps, tout en surfant sur le succès commercial du jeu. Mais plus qu’un simple appareil commercial, le titre s’est rapidement imposé en dehors de l’ombre du jeu, et reste à ce jour un des arcs contemporains de DC les plus populaires et marquants.
Surtout grâce à un scénario qui, malgré son fan-service évident, ne sombre jamais dans le prétexte. Tom Taylor et Brian Buccellato, les deux auteurs du scénario, ne se contentent pas de tirer des noms de héros hors d’un chapeau pour savoir qui affrontera qui, mais installent de vrais enjeux et une réflexion poussée sur la moralité des super-héros, les conséquences de leurs actes et les responsabilités des surhommes. Et si l’action prime naturellement sur l’essentiel des chapitres, les interrogations des uns et des autres occupent une place non négligeable, portée notamment par des dialogues souvent excellents.
En opposant les deux figures les plus emblématiques de DC, et probablement les deux super-héros les plus populaires au monde, les auteurs interrogent les fondements même de ces personnages. En refusant catégoriquement de tuer même les pires criminels, Batman n’est-il pas en partie responsable des morts qu’ils engendrent ? Et Superman a certes le pouvoir d’imposer la paix sur Terre, mais en a-t-il seulement le droit ?
Une série au long cours qui dresse un vrai panorama de capes et de masques
En plus de mettre en scène des combats d’anthologie, la série s’attache à pousser en avant la quasi-totalité de la galerie super-héroïque de DC Comics, y compris des personnages un peu oubliés. De John Constantine à Ragman, de Trigon à Mxyztplk, d’Arès à Huntress, les têtes d’affiche de l’éditeur comme les héros moins connus ont tous droit à leur moment de gloire. Une belle occasion pour les néophytes de découvrir toute la diversité du roaster DC.
Et quelle meilleure mise en avant que des affrontements sans pitié ? En plus des questions morales soulevées par le titre, on ne va pas se mentir, c’est surtout pour les combats qu’on lit Injustice. Catwoman vs Wonder Woman, Poison Ivy vs Swamp Thing, Alfred vs Superman (si si, je vous jure), le titre offre aux lecteurs quelques combats dont on a toujours rêvé.
Mais on discerne surtout dans la série un hommage sincère à la grandeur du comics, et à l’histoire de DC. Une panthéonisation des plus grands héros de l’éditeur, portée par la passion de deux auteurs qui connaissent l’univers de DC sur le bout des doigts.
Bien entendu, toute la série n’est pas parfaite : l’intrigue se perd un peu à partir de l’année trois (le troisième volume de l’intégral), et la fin, naturellement ouverte pour laisser la place au scénario du jeu va en frustrer plus d’un. Le trait est en outre très inégal : des dessinateurs illustres comme d’autres moins connus et / ou moins talentueux se sont succédés sur le titre, occasionnent tantôt de très belles séquences, tantôt des passages beaucoup moins convaincant voire même franchement laid parfois.
Et sur la fin, on sent que les scénaristes arrivent au bout de leurs idées et trouvent un prétexte un peu facile pour raccorder le radeau à l’intrigue du jeu. Mais finalement, ces défauts s’oublient assez vite et on garde surtout en tête les moments les plus mémorables de la série : Lobo contre Superman, la course entre Flash et Hermès, et bien sûr la patate de forain qu’Alfred assène à Superman …
D’abord publié en 11 volumes entre 2014 et 2018, puis dans l’offre d’été d’Urban Comics à 4,90€, la série est rééditée en intégrale depuis novembre 2020. Trois volumes sont sortis à ce jour, sur les cinq prévus.
Sans parler de série culte, et en dépit de ses défauts, Injustice s’impose tout de même comme un titre assez incontournable de ces dernières années. La réédition intégrale qui court depuis la fin d’année dernière a en outre le mérite de réunir et de poser clairement tous les chapitres bonus et les extensions pas toujours très clairs dans les précédentes éditions. On conseille donc ce titre surtout aux néophytes qui veulent découvrir en quelques tomes l’essentiel de la galaxie DC, et aux passionnés qui veulent se replonger dans les discussions de cours de récrée : « C’est qui le plus fort entre Batman et Superman ??? ».
Injustice God Among Us par Tom Taylor, Bruno Buccellato & Collectif, Urban Comics
Illustration principale : © Injustice God Among Us / Tom Taylor, Bruno Buccellato & Collectif / Urban Comics
