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par Léonard Fougère - le 21/06/2022
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par Léonard Fougère - le 21/06/2022

Aria : tranche de vie martienne à la sauce vénitienne ?

Imaginez Venise, mais sur Mars totalement terraformé où la vie humaine a su revenir à des choses plus simples. C’est la recette étonnante et pourtant si maitrisée d’Aria, l’œuvre culte de Kozue Amano, pour une tranche de vie futuriste et rafraîchissante.

Publiée une première fois en 2006 chez le regretté éditeur Kami, la série de Kozue Amano aura dû attendre 2020 pour revenir en France, cette fois chez Ki-oon, déjà familier à l’autrice avec son manga de plongée Amanchu!. C’est le retour longuement attendu de ce titre hybride, mélangeant tranche de vie, science-fiction et fantastique. Aria ne manque pas d’inventivité quand il s’agit de faire vivre le quotidien apaisé de ses personnages.

Aqua, une nouvelle planète pour une nouvelle vie

Le monde d’Aria prend place dans un futur pas si lointain, au 24ème siècle. Tandis que la Terre, baptisée « Manhome », est toujours plus futuriste, la planète Mars a été terraformée, devenant « Aqua ». Un nom qu’elle doit à l’eau qui recouvre désormais 90 % de sa surface, issue d’une fonte plus importante que prévu des pôles. Cette nouvelle condition aquatique mènera la création de Néo-Venise, ville reprenant l’architecture de la célèbre cité italienne. 

C’est dans cet univers vénitien que débarque, 150 ans plus tard, la jeune Akari. Véritable fleur bleue qui souhaite devenir une ondine, autrement dit une gondolière professionnelle. Une vocation qui vise aussi bien à maîtriser la navigation de gondole mais également de la mener avec grâce, tout en proposant une expérience de voyage aussi enrichissante qu’apaisante. Un travail complexe auquel la jeune fille sera formée tout au long du récit par l’élégante Alicia de la compagnie “Aria”. D’autres personnages croiseront leur chemin, comme la fière Aika et la sérieuse Alice, autres apprenties ondines. Et le récit se concentre sur leur quotidien d’apprenties, fait de rencontres, de découvertes et de petites aventures merveilleuses. 

© Kozue Amano / MAG Garden

Pour donner du crédit à cette vie sur Aqua, et cette ville imaginaire, Kozue Amano ne s’est pas contentée de décalquer Venise. Si l’on retrouve effectivement l’atmosphère si particulière de la ville italienne parsemée de canaux, elle y a apporté une discrète touche d’originalité avec sa dimension futuriste. Quelques navettes spatiales qui se laissent voir par-ci et là qui rappellent l’échelle spatiale des transports, des îles flottantes peuvent être aperçues et ne sont pas là par hasard. Elles servent à réguler le climat d’Aqua pour maintenir sa terraformation par le biais de grands fourneaux, gérés par les « salamandres ». Il en va de même pour la gravité, traitée elle en sous-sols par les « gnomes », tandis que des « sylphes » se chargent de livraisons express à bord de leurs motos volantes… 

Pour le reste, Aria apprécie de faire dans la simplicité. Beaucoup de professions s’apparentent à de l’artisanat , la technologie se fait extrêmement discrète et tous les trajets hors navigation maritimes ou aériennes se font à pied. Un contraste apaisant qui appelle à prendre son temps, tout en profitant de la beauté d’Aqua.

La beauté du quotidien

D’autant qu’il y a beaucoup à voir dans l’œuvre de Kozue Amano. Son cadre idyllique s’illustre à merveille par le trait fin et clairvoyant de l’autrice. Ses décors tirés de l’architecture vénitienne fourmillent de détails sans être surchargés. Une immersion d’autant plus forte par l’utilisation de la lumière, de la météo, des saisons, qui inscrivent chaque instant dans une temporalité claire. Par sa mise en scène, elle parvient jusqu’à faire ressentir la brise qui fait flotter tenues et chevelures. Son découpage composé de larges cases ponctué de nombreux silences et de répétitions rythme le récit en ralentissant la lecture sans perdre en fluidité. L’expressivité cartoonesque des personnages termine d’apporter en vivacité au récit, contrastant joyeusement avec l’élégance de leurs designs. 

© Kozue Amano / MAG Garden

Une élégance graphique couplée à un univers onirique qui appellent à l’émerveillement. La magie de Kozue Amano, dans sa narration comme via son dessin, consiste à sublimer le quotidien plutôt simple de ses personnages. Une promenade en forêt devient une véritable aventure merveilleuse, une pause-café un havre d’apaisement. Même le simple fait d’attendre une personne devient un joyeux moment. Le récit est ponctué de passages plus fantaisistes, qui naviguent entre réalité et fantastique pour pousser encore plus loin la rêverie. 

Aria est de ces titres qu’il est plaisant de lire en plusieurs fois, sans presser sa lecture. Surtout quand, au bout du voyage, l’autrice propose une double-page purement contemplative d’une vue rêveuse d’Aqua. 

L’édition « Masterpiece » proposée par Ki-oon offre un écrin de choix : reprise de l’édition Deluxe japonaise, avec ses superbes couvertures et ses pages couleurs. Le grand format permet de profiter d’autant mieux du dessin de Kozue Amano, tandis que les dorures sur la couverture et autres effets qualitatifs en font un bel objet de lecture comme de collection. Si le papier un poil transparent par moments représente le seul véritable défaut de cette édition, elle n’en reste pas moins excellente, notamment pour son prix vu sa qualité. 

Du dessin à son écriture, du découpage à ses personnages, tout ce que contient Aria a vocation d’être une évasion pour le lecteur. Idéalisé mais pas stéréotypé, banal sans être ennuyeux, la formule est simple mais demande un équilibre particulièrement complexe à établir. Dans ce cadre à part, à la fois spatial et historique, venez partager ce rêve éveillé avec Kozue Amano.

© Kozue Amano / MAG Garden

Aria the Masterpiece, de Kozue Amano, Ki-oon

Traduction par Géraldine Oudin


Illustrations : © Kozue Amano / MAG Garden

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