Illustration de l'article
Incontournables
par Thomas Mourier - le 25/10/2021
Partager :
par Thomas Mourier - le 25/10/2021

Radiant, la quête réussie aux sources du manga

Shōnen d’action, magie et quête légendaire, le manga de Tony Valente est conçu comme au Japon, est vendu au Japon, a le droit à son anime par une grande chaine au Japon, MAIS est produit par un auteur français. Retour sur le succès international de cette saga, qui ne fait que commencer.

Dans un monde où magiciens et inquisiteurs se toisent, se chassent et s’évitent ; des monstres, les Némésis, effraient et tuent les populations. Si seuls les sorciers peuvent traquer ces bêtes magiques, ils sont considérés comme des parias, on les évite, on les traque et les stigmatise. 

Comme dans toute bonne histoire de type shōnen nekketsu, nous allons suivre l’ascension d’un jeune orphelin au passé mystérieux, Seth, un garçon naïf au grand cœur qui rêve de sauver l’humanité en explosant le lieu d’où viennent les Némésis : le Radiant. Comme dans toute bonne quête, il y a une équipe à la hauteur du personnage, Mélie, Ocoho & Doc seront à la fois les alliés précieux et les sidekicks comiques. D’autres, plus ambigus comme Grimm, Hameline ou Dart Dragunov, sans oublier les maîtres Alma ou Yaga. 

Action/magie/humour : la formule magique ? 

Avec son univers aérien, où les nuages remplacent les océans et où la magie peut vous infecter — une malédiction physique ou psychique — ce manga syncrétise le meilleur des grandes œuvres contemporaines. En grand fan de Naruto, One piece, les séries d’Akira Toriyama, Dragon Ball et Docteur Slump ou le travail de Yusuke Murata, Tony Valente s’inspire de cette construction propre à ces grandes séries à succès : de cette attention à la dimension psychologique des personnages, de l’envie de parler de grandes thématiques sociales ou politiques dans un univers fun et d’aller très loin dans l’imaginaire tout en conservant un cap crédible. 

En plus de ces inspirations japonaises, on pourrait citer Lanfeust de Troy puisque le dessinateur a commencé sa carrière en travaillant avec Didier Tarquin et on sent bien ce mix d’humour, de fantasy et de pouvoirs surprises qui ont fait le succès des séries liées aux mondes de Troy. Ou encore le travail d’Alexandre Astier qui convoque lui aussi humour, histoire et magie. 

Le mangaka explique aussi avoir été marqué par la saga de dark fantasy L’Épouvanteur de Joseph Delaney, qui met en scène des apprentis sorciers dans un monde où la magie est partout. Autre piste qui souligne cette filiation de l’imaginaire anglo-saxon, l’introduction des chevaliers et du folklore médiéval qui enrichit l’univers de Radiant dans ce mélange très personnel. 

L’humour est omniprésent dans ses planches, et est peut-être la chose la plus difficile à exporter, mais la plus prisée dans un manga qui ambitionne une énorme pagination. Un équilibre délicat entre le trop parodique et le trop sérieux qui a permis à Radiant de devenir ce succès international. À la fois publié dans de nombreux pays, mais aussi aujourd’hui mis en avant sur des plateformes comme Netflix

Du fun et des idées engagées 

Si on aime autant ce manga, c’est peut-être aussi pour son fond, pour la manière astucieuse dont il fait évoluer ses personnages dans cet univers magique & loufoque. Dès les premières planches, l’auteur aborde le thème de l’exclusion et de la xénophobie. Les sorciers, dont Seth et Alma en font les frais dès les premiers chapitres, sont stigmatisés et pointés du doigt sans d’autre raison qu’une sorte de racisme envers ces derniers. Malgré leur sacrifice contre les Némésis, ils seront traités comme des parias où qu’ils aillent — ou presque. 

Cette tension qui offre une double lecture aux sorciers, adulés et craints, sera prolongée par l’inquisition, sorte de super-police pour la magie aux ambitions douteuses. Au cœur de l’arc de Rumble Town (le premier arc principal après l’arc d’exposition) il est question d’immigration, de racisme et d’exclusion. Certains personnages comme l’inquisiteur Konrad de Marbourg sont ouvertement racistes et le mangaka s’inspire du climat actuel en France. Il précise même, en interview,  avoir utilisé « Des propos tenus à l’époque par l’ancien premier ministre Manuel Valls. Des propos incroyables… Je n’ai pas eu à inventer les trucs salauds que disent mes personnages, j’ai pris des citations exactes et je les ai transposées. »

Un français au Japon ? 

Derrière toutes les influences et envies citées plus haut, Tony Valente imprime son propre style. Il part d’un cadre très codifié, dans le dessin, la mise en scène et le rythme et ajoute des petites touches bien à lui. Derrière l’apparente simplicité du trait, on sent le gros boulot sur l’anatomie et les design de personnages, le dessinateur se passe de hachures ou d’artifices pour aller à l’essentiel. Il crée des persos secondaires avec une touche d’inspiration bande dessinée plus que manga, qui donne un mix unique dans ses planches. 

Très rythmé, avec des cadrages dynamiques et des jeux d’échelle intéressants, son manga se démarque aussi par ce jeu de décors ultra-détaillés pour mettre en place ses terrains de jeux, et des enchaînements de planches qui s’en passent en se concentrant sur les personnages. Un parti-pris assumé dans un monde très aérien qui cache d’immenses cités-pays à thème. 

Avec tout ça, on comprend que le dessinateur ne cherche pas à imiter les auteurs japonais même si ses méthodes de travail et le rendu y ressemblent. Et, au contraire de pas mal de séries, c’est cette différence qui lui a ouvert les portes du lectorat japonais. La série est publiée par Euromanga et a conquis la NHK qui a produit 2 saisons en anime. Un beau succès que vous pouvez voir sur Netflix ou Crunchyroll actuellement, qui propose des épisodes inédits et une chronologie un peu revisitée. Sans oublier la musique de Masato Koda, qui donne une dimension supplémentaire très pertinente à l’œuvre.  

Déjà le 15e volume paru cette année, le 16e arrive début d’année prochaine et on arrête plus Tony Valente qui pensait faire une trilogie ou au moins 2 tomes au début de la série en 2013. 

Pour les fans, ce T15 contient un combat très attendu (on n’en dira pas plus) même si je vous invite ce jeudi 28/10 à venir en discuter avec l’auteur lors d’un live.

Radiant de Tony Valente, Ankama (15 volumes déjà dispo)


Illustration principale : ©Tony Valente / Ankama

©Tony Valente / Ankama
©Tony Valente / Ankama
©Tony Valente / Ankama
Actualités
Voir tout
Publications similaires
Abonnez-vous à la newsletter !
Le meilleur de l'actualité BD directement dans votre boîte mail