Les vies de Charlie se pose la grande question de ce que deviennent nos proches après la mort. Dans cet univers où la société Recycle & Ternel s’occupe de recycler les défunts en compost ou objets en tous genres, on suit Charlie, employé modèle qui n’a pas son pareil pour trouver une utilité aux corps. Son quotidien est toutefois chamboulé lorsqu’un petit garçon lui demande ce qu’est devenue l’âme de sa maman : il n’en a aucune idée. C’est le début de son enquête personnelle pour comprendre ce qu’il advient des âmes une fois que les corps sont recyclés.
C’est évidemment l’occasion pour les auteur.ice.s de traiter, avec poésie, du rapport à la mort : de ce que l’on doit faire des corps jusqu’à la manière dont on se souvient des défunts, en passant par les croyances sur la vie après la mort (se moquant au passage gentiment des religions et foi de tous types). Des thèmes profonds, une ambiance poétique et parfois tragique, mais qui laisse toute la place nécessaire à l’action et à l’humour, pour un résultat finalement très équilibré. On se laisse aussi embarquer, dans la seconde partie de l’album, par une très mignonne histoire d’amour.
Entre BD et animation
La thématique et le concept fantastico-philosophique ne dénoteraient clairement pas dans un film de Pete Docter (Toy Story, Monstre & Cie, Là-haut, Vice-versa, Soul, …), et on imagine sans mal une adaptation des Vies de Charlie par les studios Pixar. Une influence qui semble assumée, jusqu’à l’ambiance visuelle de cette ville semi-réaliste et semi-fantastique et aux designs des personnages. Designs qui parfois évoquent évoque également les cartoons Hanna-Barbera (Les Pierrafeu, Scooby-Doo, Les Jetson, …), donnant à l’album un joli côté rétro.
L’univers élaboré par Kid Toussaint est riche de nombreux petits détails, tout en sachant se concentrer sur sa trame principale et ne pas s’éparpiller. La construction du récit rappelle elle aussi un film d’animation (avec plusieurs séquences bien distinctes mais s’enchaînant tout à fait logiquement, et des retournements de situation réguliers), tout comme le découpage et la mise en scène très cinématographique. Les vies de Charlie ressemble parfois à un storyboard d’animation, un storyboard particulièrement joli.
Il faut enfin parler de la colorisation à l’aquarelle d’Aurélie Guarino, qui renforce encore le côté poétique de l’œuvre. Délicate, presque en retrait, elle s’accentue aux bons moments pour mettre l’accent sur un élément précis ou souligner une émotion, une ambiance. Superbe.
Les vies de Charlie est un album poétique, qui traite de sujets profonds mais sait laisser place à l’action, à l’humour et à la romance quand il le faut. Si vous attendez avec impatience chaque nouveau film du studio à la lampe, vous y trouverez sans nul doute votre bonheur.
Les vies de Charlie, Kid Toussaint & Aurélie Guarino, Dupuis
© Illustrations Kid Toussaint / Aurélie Guarino / Dupuis
© Illustrations Kid Toussaint / Aurélie Guarino / Dupuis
