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Critiques
par Otxoa Fernandino - le 7/11/2022
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par Otxoa Fernandino - le 7/11/2022

Rencontre avec Morgann Tanco pour Super-vilains chez Fluide Glacial

Sortie début septembre chez Fluide Glacial, Super-vilains est une BD humoristique qui mêle les codes des séries super-héroïques et les questionnements propres à l’adolescence. Dans le cadre du festival Quai des Bulles, nous avons eu l’opportunité d’interviewer son dessinateur : Morgann Tanco.

Scénarisé par Philippe Pelaez, et dessiné et mis en couleur par Morgann Tanco, Super-vilains parle de la rencontre de Sandra, Wilma & Hugo, trois lycéens qui se découvrent des pouvoirs les plus bizarres qu’ils soient. Se sentant exclu.e.s par leurs camarades parce qu’ils sont différents, ce tome 1 raconte non sans humour leur rencontre, la formation de leur clan et leurs péripéties, en utilisant le super-héros adolescent comme allégorie de la quête de l’adolescence, entre changements physiques & acceptation de soi. 

Super-Vilains est une BD parodiant les histoires de super-héros, mais pas seulement. Peux-tu nous parler de la genèse du projet ?

Morgann Tanco : On m’a appelé, c’est Olivier Sulpice des éditions Bamboo, qui s’occupe aussi de Grand Angle et de Fluide Glacial en partie. Il savait que Philippe Pelaez avait un scénar’ qui attendait un dessinateur. Ils m’ont contacté pour faire des tests, notamment chercher le personnage principal, Sandra. C’est passé avec cette première mouture mais je suis revenu, 6 mois plus tard, en leur disant : “En fait, elle ne me plaît plus. Je vous propose celle-ci.” Celle qu’on voit finalement dans l’album.

J’ai lu et j’ai trouvé ça assez marrant, parce que ça parle des ados. Il y avait plein de choses où je me reconnaissais quand j’étais ado, dans l’acceptation de soi. Enfin, le superhéros, c’est toujours une allégorie assez intéressante sur la puberté, a.k.a. Spider-Man. 

Comment se passe le travail avec Philippe Pelaez ? Est-ce que la publication en épisode dans Fluide Glacial complexifie le travail entre vous deux. Ou justement, est-ce qu’il le stimule ? 

M. T. : Je dirai qu’il le stimule. Après, la complexité, c’est la parution. Et le temps que ça me prenait, mais en gros, je reçois le scénar’ découpé, case par case, pour chaque page. Et après, j’envoie un storyboard, un croquis de la page. Il valide et là, j’enclenche. Je ne lui envoie même pas le crayonné. 

Je lui envoie l’encrage et je fais les couleurs, étape par étape. En termes de délai c’est la première fois que je travaille pour un magazine, et je travaille sur d’autres bandes dessinées à côté (heureusement d’ailleurs…), mais c’était sport à chaque fois : j’avais un mois pour faire cinq planches en couleur. Des fois, sept, du coup, faut que ça rentre sur un mois. C’est du temps plein, cinq jours sur sept, parce que j’ai un enfant.

Est-ce que tu avais un fil rouge ? Ou tu disais que tu recevais des scénarios ? 

M. T. : Je me laisse vraiment la surprise. La première fois, il m’a envoyé trois histoires d’un coup. J’ai lu les 3 histoires mais après, je lui ai dit “Non ! Je veux pas savoir non plus. Je veux avoir la fraîcheur du truc, pendant que je fais du storyboard”. Et donc, je ne connaissais pas le cliffhanger de fin, et je ne sais toujours pas d’ailleurs. 

La parodie est l’art de détourner une œuvre, avec pour objectif de faire rire. Mais il faut pour cela connaître et déconstruire ses codes-là. Est-ce que tu as lu des BD de ce genre-là ? Et est-ce que tu es un lecteur de comics de super-héros ?

M.T. : J’ai été lecteur de comics. Maintenant, je suis spectateur de comics, comme beaucoup de gens je pense. Quand j’étais gamin, comme n’importe quel gamin, je ne m’intéressais pas à qui dessinait les trucs. Je dessinais des Batman et des Spider-Man, surtout de mes huit ans jusqu’à mes dix ans. Et après il y a Dragon Ball qui est arrivé en BD, que je regardais déjà à la télé, chez Dorothée. Mais aucun truc de super-héros. C’est après, plus tard, que je me suis intéressé à McFarlane, que j’ai lu beaucoup. Je crois que je lisais principalement du Spider-Man, et des fois du Wolverine, parce que c’était mes personnages préférés. Ah, si, il y avait Daredevil, un petit peu. J’ai un peu lâché après. J’avoue. Mais ça m’a accompagné avec les films, évidemment. 

Tu mets des adolescents en avant, et les intrigues sont liées à la prise de conscience sur notre époque par des jeunes. Est-ce que, Philippe Pelaez et toi, vous avez voulu jouer avec cette période complexe de l’adolescence ? 

© Phillipe Pelaez / Morgann Tanco / Fluide Glacial

M.T : Oui, je pense. En tout cas, moi, j’ai joué avec graphiquement. Le fait qu’ils aient des grands pieds, avec des grandes mains un peu désarticulées, surtout Hugo qui est un peu [“***cri typique du garçon en pleine puberté***”]. 

Après, je suis allé plonger dans mes souvenirs. Il se trouve que pendant que je faisais cet album-là, j’étais prof de BD à Toulouse. Alors, ils n’étaient pas ados, mais ils en sortaientquoi que…. Ils avaient 18 ans. De voir les looks qui ont changé, le fait de mettre les futes à ras les chevilles, de les remonter… c’est un truc qu’on voyait pas dans les années 80-90, voire 2000. On avait plutôt tendance à, justement, cacher nos chevilles. Bon, eux, maintenant, ils s’en foutent totalement. Il y a toujours du body positive qui arrive, mais il y a toujours 2-3 cons qui vont te chambrer sur ton physique.

Philippe est prof à côté, prof d’Anglais, il les côtoie tous les jours. Il a visé assez juste. Mais bon, les ados ne peuvent pas acheter de BD, mais ils ont l’air de kiffer ce qu’on a fait. Il y a eu de bons retours.

Donc, ouais, l’adolescence, c’est tellement riche, en fait, de ce qu’il t’arrive, que forcément ça devient un puits sans fond d’inspiration, de gags, etc. Des adolescents qui ne sont pas acceptés, qui font un clan dans leur coin. 

© Phillipe Pelaez / Morgann Tanco / Fluide Glacial

J’avais lu une critique comme quoi je m’étais inspiré des designs de lycées américains. Alors, c’est complètement faux (Rires). Je me suis plutôt inspiré d’architecture bolchevique & compagnie, pour avoir cette sensation de truc de béton fermé, un peu triste. Alors, que maintenant, en France, il y a des lycées qui sont quand même beaucoup plus cool. 

Et pour le design des persos ?

M.T. : Pour Sandra, étant un fan de Jamie Hawlett aussi, je me suis dit : “Tiens ! Je vais regarder un peu ”. Et quand je l’ai dessiné, je me suis dit “ On dirait une de mes ex”. Du coup, je me suis inspiré d’elle, avec le côté crâne rasé, etc. Elle a vraiment la même tête, sauf qu’à la base, elle est blonde. Mais là, elle est brune.

Pour Wilma, dans le caractère et les mimiques, je me suis inspiré d’une amie et les ados, qui se mettent des couches et des couches, pour cacher leurs rondeurs. Alors, qu’elle n’est pas grosse en vrai, quand tu la regardes bien en costume. Mais, elle est adolescente, elle n’assume pas son corps. Ce n’était pas forcément écrit dans le scénar’, c’est moi, petit à petit, qui ai intégré des trucs, et Philippe trouvait ça cool à chaque fois. 

© Phillipe Pelaez / Morgann Tanco / Fluide Glacial

Est-ce que tu peux nous donner une idée de ta journée type, en tant que dessinateur ? Quels sont tes outils ?  

M.T. : À 6h du matin, je vais au sport. Et puis, à 9h, je rentre du sport. Je me fais mon petit déj’. Et à 10h30, je commence à me mettre à travailler. À 12h30-13h, j’arrête de travailler. À 14h, je recommence à travailler. Je finis à 18h30, pour aller chercher ma fille à l’école, en sachant que le matin c’est sa mère qui est allée l’amener. Voilà, ma journée type.

Je lis le scénar’ après, je commence à dessiner, sur ordi, sur Clip Studio. J’ai une tablette (graphique) Cintic, un écran, un Mac, et Clip Studio, principalement.  Photoshop pour les couleurs, il gère mieux le CNJM (Cyan, Magenta, Jaune pour ce qui ne connaissent pas), que Clip Studio lui ne fait que du RVBN (Rouge, Vert, Bleu, Noir)… Pour les couleurs lumières, c’est bien, mais pour l’impression, c’est pas ouf.

Mais, y’a plein d’autres choses, t’as les plumes, par exemple. Mais j’arrivais à faire mon encrage avec ce truc-là.

Et tu storyboardes aussi dessus ? 

© Phillipe Pelaez / Morgann Tanco / Fluide Glacial

M.T. : Je fais tout, de A à Z, jusqu’au noir & blanc, et je passe à Photoshop. Des fois, quand je fais des petites illus vite fait, je fais de la couleur, ambiance aquarelle, avec l’outil aquarelle de Clip Studio, ça marche super bien. C’est assez incroyable. Alors que pour Photoshop, il faut quand même triturer un peu.

C’est mes outils : un stylet, du plastique.. ouais c’est pas très écolo, mais il n’y a plus de papier, c’est moins cher. Ça va plus vite en fait. Je dis que je suis assisté par ordinateur (Rires). Je ne suis pas encore à l’I.A. mais, pour l’instant, il n’arrive pas trop à dessiner comme moi. Je ne suis pas assez connu dans ses métadonnées, mais peut-être qu’un jour, Midjourney connaîtra peut-être Morgann Tanco

Une question sur un autre de tes projets : Grott & Brott, avec Janry et Gihef au scénario. Du coup, comment ça se passe ? Comment est né ce projet ?

M.T. : C’est une longue histoire… Pour faire simple, quand j’étais sur Le Temps des Amours, j’ai eu la varicelle. Et j’ai dû abattre 75 pages en 4 mois, parce que j’avais pris énormément de retard. Et, je suis usé, pendant 6 mois je ne peux plus rien faire.

J’arrive quand même à faire quelques tests pour Monsieur Vadim. Je mets tellement de temps, et je suis tellement fatigué de réfléchir à un album complet,  que je suis épuisé de ce type d’album-là. Et donc, je dis à Gihef, avec qui je faisais Vadim. : “Est-ce que ça ne te dirait pas de faire de l’humour ?”. Ce à quoi, il m’a répondu : “Ouais, pourquoi pas. Mais il me faut un garde-fou, parce que je peux partir vraiment un peu trop loin sur l’humour. Il se trouve que mon voisin, c’est Janry. Est-ce que ça te dit que…”
Je lui dis : « Évidemment ! ” (Rires). Janry fait partie des auteurs, avec Akira Toriyama et Coyote, que je copiais quand j’avais 12 ans.

“Montre-lui mes dessins, je t’envoie un dossier avec des dessins d’humour”. Parce que j’en ai jamais sorti, je ne faisais que du demi-réaliste, et ça lui à plu, fort heureusement. Et à partir de là, on s’est mis sur le dossier de Groot & Brott.

Olivier Sulpice a accepté, sauf qu’en plein milieu d’album, on a eu un différend de lecture,mais très professionnel. Il n’y a pas eu de problème là-dessus, Olivier est quelqu’un de très pro : l’éditeur et les auteurs ne veulent pas faire le même album que l’un et l’autre. Du coup, il nous a rendu nos droits. On a pas bataillé. ça s’est fait la discussion. 

On est allé re-démarcher des éditeurs à la moitié de l’album. Tout l’album était déjà scénarisé et storyboardé par Janry. Du coup, on est allé voir les autres éditeurs et c’est Kamiti qui a répondu présent. 

À suivre …

Si vous voulez en savoir plus sur Grott & Brott, vous en saurez bientôt plus avec l’interview Grott & Brott avec Morgann Tanco, Janry et Gihef qui devrait arriver très prochainement. Stay Tuned !

Le livre est à retrouver ici : Super-vilains T1, par Philippe Pelaez & Morgann Tanco, Fluide Glacial


Illustration principale & extraits : © Phillipe Pelaez / Morgann Tanco / Fluide Glacial

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