Wolcano, la sorcière du cul est une bande dessinée de Shyle Zalewski. Pas la première, puisque l’artiste a déjà commis quelques fanzines et de nombreux strips sur internet. Mais la première qui trouve sa place dans le circuit traditionnel de la bande dessinée mainstream.
Pour en arriver là, il a fallu que Shyle Zalewski dessine gratuitement sur internet, pendant longtemps, sa vie plus ou moins fantasmée, entre scènes de cul et scènes de ménage. D’autres ont fait cela, et s’en sont très bien sortis (Boulet, Pénélope Bagieu, Maliki… pour ne citer que les plus connus). Les blogs BD ayant peu à peu été cannibalisés par les réseaux sociaux, c’est sur ces derniers que Shyle Zalewski a trouvé son public : 22 000 personnes sur Twitter, bientôt 10 000 sur Instagram… Son ton franc et libéré, sa communauté, et probablement une certaine similitude dans les partis pris graphiques ont fini par attirer l’œil de Lewis Trondheim, auteur plus que reconnu et directeur de la collection Shampooing chez Delcourt, qui publie donc ce Wolcano, la sorcière du cul.
De la fantasy à base de vie fantasmée
De quoi parle Wolcano, la sorcière du cul ? De fantasy, pourrait-on dire après un premier regard trop rapide : une sorcière est radiée de l’ordre le jour où elle atteint les 666 partenaires sexuels, et elle part dans un long voyage pour faire appel de cette décision.
Mais sous ce scénario à la fois classique et burlesque se cache en fait une bande dessinée intimiste bourrée de culture internet, où la fantasy n’est qu’une très grossière métaphore pour parler de la vie réelle de Shyle Zalewski.
Derrière les monstres d’héroïc-fantasy imaginatifs (mention spécial au dichotome, « créature binaire pour qui tout doit être tout noir ou tout blanc ») se cachent de façon à peine voilés les obstacles que Shyle Zalewski a rencontré ou rencontre encore au quotidien dans sa vie. Comme dans ses publications sur les réseaux sociaux, qui sont le plus souvent dans la veine « blog réaliste », Shyle Zalewski parle donc ici de sa non-binarité revendiquée, de ses insécurités, de sa communication à base de colère et de fellations gratuites, de sa férocité face à un monde qui ne l’épargne pas, de sa radicalité.
Un humour libéré, dopé à la sincérité
Tout cela, au final, ne ressemble-t-il pas trop à une séance de psy à peine déguisée ? Peut-être. Mais c’est aussi cela qui fait l’intérêt de cette bande dessinée, et du travail de Shyle Zalewski de façon générale : son mélange d’humour vache et de sincérité absolue, sa façon de porter sur le monde un regard à la fois tendre et acéré.
Au final, Wolcano, la sorcière du cul est une bande dessinée assez rafraîchissante, aussi bien d’un point de vue artistique que d’un point de vue idéologique. Comme des milliards d’autres œuvres, elle parle de la figure de l’artiste torturé qui se cherche dans sa vie et dans son art ; mais elle fait cela de façon fun et décomplexée, utilise le personnel comme passerelle vers l’universel, et le lecteur passe un très bon moment.
Wolcano, la sorcière du cul, de Shyle Zalewski, Delcourt
Images © Shyle Zalewski / édition Delcourt
