Titeuf est désormais loin d’être l’oeuvre qui le définit. Depuis que le petit héros qui a lancé sa carrière a grandi (dans le tome 14 de Titeuf, Bienvenue en adolescence !, paru en 2015), Zep a réussi avec brio à se démarquer de sa série phare et à imposer son virage artistique. Tout en continuant les albums jeunesse, il a multiplié les projets de rupture, développant de nouvelles thématiques ici, tentant parfois un nouveau style de dessin.
Il y a eu les albums pour adultes dessinés en « style Titeuf » : la série humoristique des Happy (Happy sex, Happy parents, Happy rock, Happy girls…), bandes dessinées très drôles et très adultes, What a Wonderful World (recueil de dessins de blog), Découpé en tranches…
Il y a eu les projets sur lesquels il était uniquement scénariste : le conte pornographique Esmera ou le projet multicollaboratif Infinity 8.
Des albums en style réaliste très réussis
Et il y a les albums en style réaliste, dans lesquels Zep réinvente totalement son dessin et sa façon de raconter des histoires : Une histoire d’hommes, Un bruit étrange et beau, The end… Et depuis mars 2022, Ce que nous sommes.
Zep est désormais libre de faire, grosso modo, ce que bon lui semble. Et ce qui lui semblait bon, ces temps-ci, c’était de faire un album parlant de réalité virtuelle, d’humain augmenté, et d’essayer, au passage, de définir ce qu’est un être humain.
Des thèmes de science-fiction qu’on ne se lasse pas d’explorer
En science-fiction, le créneau est porteur et creusé depuis longtemps, tous médias confondus. Blade Runner, Ubik, … Les classiques se sont intéressés à la question depuis longtemps. Mais ils sont loin de l’avoir épuisée, et régulièrement, de nouvelles œuvres continuent de disséquer le sujet. En bande dessinée, plusieurs œuvres récentes ont aussi attaqué le sujet à leur façon, et parfois avec brio (on pensera notamment à Alt-life ou à Bolchoï Arena). L’étonnant, c’est que malgré ce foisonnement d’oeuvres portant plus ou moins sur le même thème, celui-ci se prête à une multiplicité d’histoires différentes, chacune ayant son propre ton, ses propres délires, ses propres questionnements.
Et c’est aussi le cas de « Ce que nous sommes », qui réussit à proposer une nouvelle approche de ces questions.
Réalité augmentée contre humain diminué
De quoi parle « Ce que nous sommes » ? D’une société séparée entre deux mondes, des ultra-riches au cerveau augmenté d’implants, et le reste, qui se contente des miettes. D’un homme qui a vécu toute sa vie avec un implant cérébral qui lui permettait de télécharger des connaissances immédiatement, plutôt que de les acquérir, et qui d’un coup va s’en voir privé. De l’humain, tel qu’il est, tel qu’il était, tel qu’il pourrait être et tel qu’il deviendra peut-être. Avec Ce que nous sommes, Zep explore notre humanité et notre identité, dans une histoire d’anticipation fluide et limpide qui, une fois de plus, touche souvent juste – et réussit à proposer une vision neuve de questions vieilles comme le monde.
Ce que nous sommes, de Zep, éditions Rue de Sèvres, sorti en mars 2022
Illustrations : © Zep / éditions Rue de Sèvres
