Alors que le Cardinal de Richelieu s’attèle à son complot le plus terrible, un groupe d’hommes et de femmes parmi les plus grand.e.s épéistes s’unit pour tenter de contrecarrer ses plans. C’est ainsi que se forme le groupe constitué de D’Artagnan, Cyrano de Bergerac, Don Juan, Mademoiselle de Maupin, Ahmad le Voleur de Bagdad, Catalina de Erauso et le Capitaine Blood.
Le culte des classiques
Vous l’aurez donc compris, l’univers créé par Evan Daugherty est un joyeux mélange de grands romans classiques (et de quelques films de l’âge d’or hollywoodien), se déroulant tous plus ou moins à la même époque. Un concept qui permet à la fois de retrouver des personnages connus, et d’en découvrir d’autres, au moins dans les grandes lignes. Le contexte de l’histoire découle surtout des Trois Mousquetaires, avec des rôles importants pour Richelieu et M. De Tréville (un titre à ajouter à l’avalanche de sorties autour des Trois Mousquetaires dont on vous parlait ici). Mais les autres œuvres dont découlent les personnages du groupe sont toutes citées, et d’autres viennent s’y ajouter (Faust ou l’Homme au masque de fer notamment). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Daugherty s’amuse à réinterpréter des classiques littéraires : également scénariste pour le cinéma, il est notamment à l’origine des films Blanche-Neige et le Chasseur.
Le titre, Les Sept Lames, renvoie immédiatement aux Sept Samouraïs ou aux Sept Mercenaires, autres groupes d’experts dans leurs domaines qui vont devoir s’unir pour affronter une menace qui les dépasse. Mais le sept est également un chiffre hautement symbolique dans la bible et dans les religions qui en découlent. L’intrigue tourne ici autour d’éléments principalement chrétiens, et d’une relique qui, si ses deux parties étaient réunies, provoquerait un retour de Lucifer sur Terre. L’occasion pour Daugherty d’emmener ses personnages au Vatican, et de les confronter à la fois aux démons de l’enfer et à leurs propres démons. Une dimension religieuse un peu attendue, portant une morale habituelle mais qui colle bien aux vices des différents personnages.
Retraite et riposte
Le point fort de l’album, c’est sans nul doute son concept. La réunion de personnages disparates mais doués dans leur domaine, devant s’unir pour mener à bien une mission, est un principe souvent utilisé mais toujours efficace, qu’on retrouve dans Les Sept Samouraïs / Les Sept Mercenaires donc, mais aussi dans des oeuvres aussi différentes que Le Seigneur des Anneaux, Ocean’s Eleven ou La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Dans le même genre on pense aussi à Expendables, notamment pour l’aspect sacrifiable des membres du groupe dans le cadre d’une mission quasi-impossible. En ajoutant à ce principe de réunion des personnages connus de tous mais généralement cantonnés à leurs œuvres d’origines, Daugherty trouve une formule qui fournit un plaisir instantané.
Au-délà de ça, le récit est rythmé mais un peu facile, les péripéties se dénouent très rapidement, et les personnages sont un peu trop unidimensionnels. Mais on lui pardonne, car on ne recherche pas ici la profondeur ou la complexité : le mélange des classiques, les intéractions des ces personnages cultes et l’histoire rythmée sont un plaisir suffisant et font de cet album une lecture amusante avec laquelle on passe un bon moment. D’autant que les auteurs ont eu la bonne idée de ne pas tirer sur le fil : le récit tient en un tome. L’exercice de style réalisé et le plaisir satisfait, ils n’ont pas cherché à en faire une série, qui se serait probablement essoufflée assez vite.
Le découpage et le dessin de Federico Dallocchio et Riccardo Latina, et les couleurs de Valentina Bianconi sont efficaces, mais très classiques dans un style comics contemporain. On aurait aimé que cette œuvre qui rend hommage à la littérature du 19ème siècle adopte un style plus marqué en s’inspirant des tendances visuelles de l’époque.
Evan Daugherty se (et nous) fait plaisir en livrant un récit amusant qui rend hommage à des personnages et à des œuvres cultes. Sans être un chef d’œuvre, cet album est une lecture plaisante et ultra référencée, avec laquelle les amateurs de classiques comme les néophytes passeront un bon moment.
Les Sept Lames, Evan Daugherty, Federico Dallocchio & Riccardo Latina, Black River
Illustrations : © Federico Dallocchio / Riccardo Latina / Valentina Bianconi / Evan Daugherty / Black River / 2023 Aftershock Comics
