Parti créer son label Joe's Comics au sein d'Image Comics, le scénariste J. Michael Straczynski s'est créé un nouveau terrain de jeu où il peut expérimenter et proposer les histoires qu'il voulait écrire. Ainsi, après Ten Grand, réalisé en collaboration avec Ben Templesmith, il nous livre aujourd'hui Sidekick.
"Il a brillé un instant quand il a sauvé la ville, mais le reste du temps... rien."
JMS a donc décidé de s'attaquer à la classique relecture du mythe du super-héros et de détourner les codes de ces personnages qui peuplent en grande partie le paysage des comics. Un peu à la manière de ce qu'a pu faire Mark Waid dans Irrécupérable, le scénariste utilise une connaissance des codes qu'il a en commun avec les lecteurs pour s'amuser à en enlever le verni. Ici, on rencontre Red Cowl, mix entre Batman et Superman, playboy millionnaire qui possède des superpouvoirs, et son sidekick, Flyboy. L'histoire commence alors que l'on découvre ce dernier alors qu'il est ravagé par l'assassinat de son mentor, tué comme John F. Kennedy alors qu'il était en plein triomphe populaire.
Ce premier tome est sous-titré Descente aux Enfers, et c'est exactement cela que va nous proposer Straczynski. Une lente chute de celui qui était dans la lumière des super-héros révérés par tous à une loque humaine, obsédé par la mort de Red Cowl qu'il n'a su venger. Connaissant bien la destruction que peut s'infliger un homme qui a perdu tout espoir, JMS nous dépeint un personnage littéralement dévasté, alcoolique, sensible à l'extrême aux critiques à son encontre. Tous le rejettent et lui passe son temps à prendre de mauvaises décisions. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'il est le dindon de la farce : son mentor n'est pas mort, et profite allégrement de jours plus tranquilles sur une île paradisiaque.

"Tu n'es pas un peu vieux pour chercher un poste d'acolyte ?"
Si Stracz' n'a pas son pareil pour décrire la misère mentale, les tréfonds que l'on est capable d'atteindre dans la dépression, il ne va pas chercher très loin dans le détournement des codes de son histoire. S'il s'amuse du ridicule affiché des encapés, passant le quatrième mur plusieurs fois pour mettre en situation tout l'absurde de certains lieux communs entourant les super-héros, il ne dépasse jamais cette intention de détourner les codes d'un genre qu'il aura pourtant réinventé à plusieurs reprises (voir Midnight Nation - également chez Delcourt - pour le meilleur exemple du genre). Sans doute parce qu'il est plombé par une histoire qui se déploie très lourdement, l'intrigue peinant à démarrer avec l'insistance faite sur l'état lamentable du héros.
Il n'est pas forcément aidé par le dessin de Tom Mandrake faut dire. Cet héritier du style de Neal Adams a fait les grandes heures de DC Comics mais semble n'avoir jamais réellement évolué dans son dessin. Si l'on pouvait penser que son style classique pourrait coller à ce récit de super-héros, il est souvent trop juste sur les visages (parfois de façon gênante) et sur l'anatomie pour que l'on puisse dépasser un encrage beaucoup trop généreux et des approximations de composition récurrentes. D'autant plus dommage que Mandrake livre un storytelling efficace, montrant toute sa maîtrise du découpage dans des scènes d'action qui auraient méritées d'être plus travaillées, autant du côté du dessinateur que du scénariste.

Si l'on n'a aucun doute à se faire sur l'excellence de J. Michael Straczynski, il faut aussi remarquer quand il nous propose une histoire qui ne propose rien de de sincèrement original, de plus que ce que l'on a déjà. Il est difficile de se passionner pour cette histoire, bien que Stracz' y glisse plus de pistes de réflexion dans une de ses œuvres moyennes que dans une grande partie de la production de super-héros mainstream.








