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par Alfro - le 22/06/2015
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par Alfro - le 22/06/2015

Transmetropolitan - Tome 4, la critique

L'œuvre majeure de Warren Ellis continue de paraître chez Urban Comics avec un quatrième tome qui nous rapproche de plus en plus d'une fin qui s'annonce aussi destructive que corrosive. Mais avant d'en arriver là, on découvre un nouvel aspect de Spider Jerusalem, et de nouvelles raisons de vouloir tout faire péter.

"Silence. Je suis immortel."

Le précédent tome nous laissait avec un Spider Jerusalem qui avait fini par quitter The Word. Il se sera servi du journal pour retrouver une voix, un impact sur la population. Maintenant, il s'est libéré. Détruire le système de l'intérieur ? Très peu pour lui. Ni consessions ni courbettes, le journaliste le plus corrosif de La Ville est désormais libre comme l'air. Le Président des Etats-Unis pensait qu'en le faisant virer de son journal il s'en débarrasserait ? L'arrogance des puissants n'a d'égale que leur ignorance de ce qui peut habiter les "petites gens". Et ce qui habite Spider, c'est un feu qui ne finit jamais de se consumer, une quête pour la Vérité qui trouvera toujours un moyen de s'exprimer. Ainsi, il va écrire pour le Trou, une plate-forme indépendante de presse en ligne.

Intraçable, libre et soutenu par ses éditeurs, il n'en fallait pas plus à celui qui a décidé de tout révéler pour enfin montrer ce qu'il voit. Au-delà des néons toujours aussi multicolores, du consumérisme galopant et de la stupidité crasse, il nous montre ce qu'il se cache sous les pavés de cette ville sordide. Bien sûr, la métaphore filée de notre société ne s'arrête pas, d'ailleurs, elle est encore plus limpide en 2015 qu'au moment de son écriture, en 2000. Pourtant, Ellis va choisir pour le premier sujet "indépendant" de Spider un fait de société qui ne relève pas de l'allégorie. Un sujet d'autant plus horrible qu'il nous rappelle quel est notre tissu social, puisqu'il va aller interroger des enfants prostitués et démontrer que le problème est à la source, de ce que nous sommes devenus.

"Les gens qui en ont quelque chose à secouer !"

Spider Jerusalem est toujours aussi irrévérencieux, et cela va au-delà d'un langage un peu ordurier. S'il se montre aussi infect avec ses contemporains, c'est qu'il exècre ces gens satisfaits de leur bonne conscience, ce quidam si suffisant qui se soucie juste de son bien-être et laisse le monde partir en miettes. Rien de plus insupportable que celui qui dit qu'il n'a rien fait de mal, tout en oubliant qu'il n'a rien fait de bien et, pire, qui laisse ses œillères bien en place pour ne pas voir le délitement de la société et de la Nature. Alors Jerusalem, tout en évitant les tueurs du Sourire, va cracher sa haine de ce que nous sommes devenus, va faire en sorte que plus personne n'ignore comment nous avons laissé le monde aller de travers.

Pourtant, là où il était un trublion punk, il va ici laisser poindre son désespoir. Avoir assassiné le monde ou laissé les autres le faire, qu'importe, le résultat est le même. Et Spider Jerusalem, en porte-voix de Warren Ellis et Darick Robertson, est fatigué par son parcours dans la fange. Trois ans qu'il est dans cette Ville, et il n'aspire qu'à retrouver sa cabane dans la montagne. Mais le combat n'est pas fini, les politiciens sont toujours des êtres égotiques qui n'œuvre pas pour le bien commun, les corporations sont toujours de plus en plus puissantes, les fanatiques véhiculent toujours un discours dangereux et l'humanité s'aliène toujours autant. Alors il continue son œuvre, et cela aura un prix. Il n'est en fait qu'un homme isolé. Il est peut-être fou, mais toujours moins que ceux qui l'entourent. Alors dans ce cirque sordide, il va endosser le rôle du clown triste, celui qui nous montre toute l'absurdité d'un monde cruel.

Le brûlot punk de Warren Ellis n'a jamais été qu'un simple doigt d'honneur lancé à la face du monde. Désormais, libéré de ses chaînes, Spider Jerusalem nous montre à quel point ses provocations sont une façon de réveiller ses contemporains. L'urgence s'ajoute à son combat, et si tout doit en finir ici, il ne nous laissera pas disparaître dans l'ignorance, il ne laissera à personne le luxe d'affirmer qu'il ne savait pas.

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