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par Jaime Bonkowski De Passos - le 5/07/2021
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par Jaime Bonkowski De Passos - le 5/07/2021

Kengan Ashura : le dieu de la guerre descend dans l’arène

Les netflixophiles fans de combats bien bourrins attendaient avec impatience la traduction de cette série dont l’anime a eu un succès fou : Kengan Ashura débarque ENFIN dans nos librairies françaises, après des années d’attente. On se jette dessus avec joie, et on s’en prend plein la tronche : gare au choc.

Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian

Imaginez un monde dans lequel les plus grandes entreprises règlent leurs comptes en engageant des combattants-mercenaires qui s’affrontent lors de combats à mort. Qui gagnera cette part de marché ? Qui aura la priorité sur l’achat d’une nouvelle usine ? Qui aura le droit d’exploiter le principal quai du port ? Ces différends, et bien d’autres, sont résolus dans l’arène du Kengan, l’organisation réunissant les entreprises et leurs combattants.

Évidemment, les plus puissants guerriers de la Terre s’y affrontent : experts en arts martiaux, ex-militaires, espions, tueurs à gages… Des surhommes engagés pour l’argent mais qui se battent pour la gloire et la beauté du combat. Parmi eux : Tokita alias « Ashura » le dieu de la guerre, dernier maître de l’art martial légendaire Niko. Un seul objectif le guide : vaincre tous les combattants du Kengan et siéger au sommet !

Réunissez Grappler Baki et la première partie de Naruto, ajoutez la violence graphique d’un Berserk et des personnages dignes de Hokuto no Ken, et vous obtenez Kengan Ashura, un titre aussi bourrin et violent que réussi et convaincant. Car réaliser un manga de baston pure et dure sous la forme d’un tournoi paraît basique, mais est tout sauf simple. Les écueils sont nombreux et Kengan Ashura les esquive tous, pour un résultat qu’on dévore tome après tome.

Le secret : les « méchants »

Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian

Le principal point fort de Kengan Ashura n’est pas, vous vous en doutez, son scénario (qui frise d’ailleurs le ridicule mais passons, on est certainement pas là pour ça). La vraie force du titre réside dans ses personnages, et particulièrement les antagonistes. On suit le point de vue de Tokita, héros au passé mystérieux qui a toujours été le meilleur dans son domaine, et qui se retrouve projeté dans un monde sans pitié où sa force fait bien pale figure face aux véritables monstres qu’il affronte.

Ces combattants, humains aux traits et capacités véritablement surhumains, sont tantôt d’authentiques psychopathes, tantôt de sympathiques bons-vivants, pas toujours malveillants mais tous uniques en leur genre. On apprend en même temps que Tokita que l’arène du Kengan ne confronte pas les « gentils » contre les « méchants » mais peut parfois réunir dans un même affrontement des amis, voir des frères. Et leurs motivations (l’argent, le pouvoir, la liberté, la gloire) finissent bien souvent par dévoiler leur plus grande force. En plongeant dans leur passé, on se découvre même à avoir un peu d’empathie pour de véritables ordures, et à serrer les dents quand on les voit perdre. Kengan Ashura sait parfaitement doser son rythme et gérer le suspens : aucun combat n’est joué d’avance et à l’instar de chez Georges R. R. Martin, les personnages préférés du lecteur ont souvent des destins funèbres.

Mais au delà de la dimension « baston », qui reste omniprésente on vous rassure, la série se dote d’une vraie profondeur et d’un propos plus que pertinent sur le capitalisme sauvage, la brutalité qui règne dans le monde des entreprises cotées en bourse, et le poids d’une vie humaine face à des milliards de dollars. Sans tomber dans un militantisme anti-capitaliste, Kengan Ashura interroge les structures économiques qui régissent notre monde et particulièrement le Japon. Le double niveau de lecture est donc particulièrement inattendu mais bienvenu.

Un style coup de poing

Ces qualités énumérées, revenons à l’essentiel : les combats et le dessin. Les fans de Ken le Survivant seront en terrain connu, de même que les amateurs de Jojo’s Bizarre Adventure : un style très travaillé, foisonnant de détails, des musculatures à faire pâlir d’envie les statues grecques (et une tension homoérotique pas forcément volontaire mais inévitable), des techniques de combat uniques et complètement abusées, bref, tous les codes du genre sont respectés.

On rapproche inévitablement le titre d’une autre référence : Grappler Baki, vaguement édité en France mais introuvable depuis des années et jamais réédité malgré le succès de l’anime sur Netflix. On avait là aussi des tournois de guerriers pour décerner le titre d’homme le plus fort du monde, une surenchère des pouvoirs et capacités, et un style graphique assez similaire quoique plus clivant. Kengan Ashura se montre bien plus « second degré » que son grand frère, plus moderne aussi, et fédèrera sans doute un peu plus.

Daromeon, le dessinateur, brille particulièrement dans le découpage des séquences de combat, qui occupent la majeure partie de la narration. Ses personnages ont des physiques, des techniques et des styles de combats très atypiques qu’ils exploitent à fond pour des résultats et des enchaînements de mouvements juste hallucinants et jamais vus. Et bien sûr, on a toujours droit aux passages d’entraînement du héros dont il ressort trois fois plus musclé, le développement de nouveaux coups secrets dévastateurs, et la toute puissante force de l’amitié qui permet aux personnages de (parfois) s’en sortir in extremis. Il en résulte des combats passionnants, riches en rebondissements bien cathartiques comme on aime.

La France a découvert Kengan Ashura avec le superbe et jouissif anime Netflix qui a fait un carton en 2020, on attendait depuis avec impatience la première édition papier du titre. C’est Meain qui s’en est chargé, la nouvelle maison d’édition diversifiant ainsi son catalogue en versant dans un genre autrement plus bourrin qu’à l’accoutumé. Kengan Ashura s’adresse à une frange précise des fans de manga, et n’intéressera clairement pas tout le monde, il n’empêche qu’on est face à un titre de très bonne facture qui promet de faire date.

Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian, 4 tomes parus à ce jour


Illustration principale : © Kengan Ashura / Sandrovich Yabako / Doraemon / Meian

Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian
© Kengan Ashura / Sandrovich Yabako / Doraemon / Meian
Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian
© Kengan Ashura / Sandrovich Yabako / Doraemon / Meian
Kengan Ashura par Sandrovich Yabako & Daroemon, Meian
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