Nouveauté de la rentrée chez Delcourt, Wonder démarre un jour de mai, dans la poussière d'une usine, en 1968.
Grève générale et course folle.

Mai 1968. Renée est une jeune femme timide. Elle est ouvrière et travaille aux usines de piles Wonder. Se laissant porter par le mouvement, elle participe à la grève générale et ignore encore que ces quelques jours vont la changer profondément.
La grande et la petite histoire.

Renée est à la fois une métaphore et un regard de l'intérieur sur Mai 1968. Lire Wonder c'est comme suivre Renée dans une danse un rien étourdissante. Une chose en entrainant une autre, la jeune femme s'éloigne de qui elle est, voit ses repères s'effondrer. Elle s'ouvre à un autre monde, ni moins bien ni meilleur que le sien, mais cette confrontation la change profondément. Il faut l'avouer, l'héroïne n'est pas très attachante. Il n'y a que vers la fin qu'elle semble enfin habitée d'une volonté propre. Mais il est intéressant d'assister à son évolution. Les autres personnages, et surtout les hommes, ne sont pas en reste, entre collègues sexistes et intellectuels au discours plutôt creux.
Mais il y a justement quelque chose dans ce récit qui dresse le portrait d'une période aujourd'hui encore très fantasmée. Mai 68 n'a duré que quelques semaines, quelques jours. Il est un point entre deux époques, le déclencheur de nombreux changements, mais il n'est aussi qu'un instant fugace qui n'avait peut-être pas autant de sens sur le moment, en tout cas pas le sens qu'on lui donne aujourd'hui. Cette bande dessinée est, comme dit plus haut, comme une danse que l'on suit des yeux. Les cadrages évoquent une caméra qui resterait toujours centrée sur Renée, ne s'éloignant que pour nous montrer des moments liés à elle mais qui lui échappe. Derrière la légèreté de la narration, le fond est pourtant particulièrement documenté. La bd suit le déroulement de la grève générale, nous immerge dans la France de l'époque, dans son quotidien, et les auteurs nous expliquent aussi ce qu'étaient les conditions de travail pour les ouvriers des usines. Un message sérieux qui donne plus de force au mouvement qui pourrait sembler léger.
Le dessin d'Elodie Durand a quelque chose d'aérien et de sensible qui donne toute sa personnalité à Renée. La mise en scène, les cadrages et la gestuelle offrent cette impression d'assister à une chorégraphie. La danse est une autre forme de narration, plus subtile et viscérale, que la dessinatrice retranscrit avec beacoup de talent. L'histoire ici d'un mouvement de foule qui emporte l'héroïne, la bouscule et la réveille. D'abord très réaliste à l'usine puis en pleine manifestation, le dessin se fait plus poétique, instinctif, au fur et à mesure que Renée vit des expériences plus surprenantes et inattendues. De la même manière, la colorisation en noir et blanc se pare petit à petit de couleurs. La vie sans saveur de Renée (que ses nouveaux amis surnomment Wonder) devient plus joyeuse, gagne en chaleur et en sens. Mai 68 a changé le visage de la France, il a aussi fait dérailler la vie bien rangée de l'héroïne, sans aucun doute pour le meilleur.

Wonder raconte un changement intime. une petite histoire perdue au milieu de la grande Histoire. Quelques jours qui ont changé le visage de la France mais qui ont aussi, comme un rêve éveillé, changé profondément le cours tranquille de la vie de Renée.








