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Incontournables
par Thomas Mourier - le 30/10/2025
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par Thomas Mourier - le 30/10/2025

« J’ai l’impression de faire mon deuxième premier album. » Fabcaro, Didier Conrad, Anne Goscinny & Sylvie Uderzo parlent d’Astérix en Lusitanie

Pour présenter cette nouvelle aventure proposée par Fabcaro & Didier Conrad, les éditions Albert René ont donné une conférence de presse à l’ambassade du Portugal pour en comprendre les enjeux et offrir l’occasion aux auteurs d’en raconter les coulisses.

À chaque nouvel album d’Astérix & Obélix, c’est l’interrogation : comment les auteurs vont réussir à s’approprier cet esprit Astérix sans être écrasés par le cahier des charges ? Alors que la plupart des reprises de héros franco-belges passent par des « albums vu par » où les artistes mettent leur patte, Astérix & Obélix résistent encore et toujours aux contradicteurs en gardant un cadre resserré. 

La franchise est chapeautée par Céleste Surugue qui a la tâche de développer la marque, mais aussi accompagner les auteurs dans tout le processus de création avec des enjeux qu’il rappelle pour cette  « Sortie internationale [en] 19 langues et dialectes. On sera présent dans plus de 25 pays, plus de 5 millions d’exemplaires, c’est un phénomène hors-norme. »

De son côté, Isabelle Magnac, la directrice générale d’Hachette Illustré détaille cette année exceptionnelle pour l’univers créé par René Goscinny & Albert Uderzo : « Après le très grand succès de l’Iris Blanc par le tandem Fabcaro et Didier Conrad, Astérix a fêté ses 65 ans. Et pour fêter ces 65 ans, les éditions Albert René ont eu à cœur d’organiser de nombreux événements. » 

Avec la sortie de la série Astérix et Obélix : le combat des Chefs d’Alain Chabat et son équipe [lire notre coup de cœur ici] diffusée dans 190 pays, la saison 3 de la série Idéfix diffusée dans 23 pays, une exposition immersive à l’Atelier des lumières, un jeu de réalité virtuelle, les statues d’Astérix et Obélix inaugurées au Musée Grévin, un livre de cuisine édité au profit des restos du cœur et les 35 ans du parc Astérix ; la série créée en 1959 vit un nouvel âge d’or. 

©Fabcaro / les éditions Albert René

Et en point d’orgue, ce nouvel album —qui arrive tous les deux ans— conçu par Fabcaro & Didier Conrad qui rempilent pour un deuxième volet ensemble. Fabcaro revient sur cette expérience : « C’est marrant, j’ai l’impression de faire mon deuxième premier album. Le fait que ce soit un album de voyage, l’approche est un peu différent. Même si l’expérience du premier m’a servi j’ai l’impression, j’ai pu mettre en place des choses et trouver mes repères. » 

Didier Conrad qui signe son 7e album revient sur cette alternance entre albums qui se passe au village comme l’Iris Blanc ou en voyage comme pour Astérix en Lusitanie : « Avant je préférais les albums de voyage parce qu’il avait plus d’éléments nouveaux à faire alors qu’un album dans le village, on doit redessiner des choses qui ont déjà été créées par Albert tandis que là je peux ajouter une petite pierre. C’est toujours agréable, mais c’est aussi casse-gueule parce qu’il faut que ça s’intègre. »

L’album de voyage, un ingrédient de la potion magique du succès

Invitées à parler de ce nouvel album et des spécificités de l’écriture de leurs pères, Anne Goscinny & Sylvie Uderzo ont rappelé à quel point elles se retrouvaient dans le travail de Fabcaro & Didier Conrad

Anne Goscinny à gauche, Sylvie Uderzo au centre et Isabelle Magnac à droite / Photo ©Thomas Mourier

Sur le voyage en tant que tel, Sylvie Uderzo souligne que « le fait de les faire voyager, ça leur a permis de développer leurs valeurs qui sont inhérentes à l’univers de la série : la tolérance, l’amitié…parce qu’ils ont rencontré différents peuples. Ça leur a permis de vraiment exposer leurs idéaux de départ. »

Anne Goscinny enchaîne : « Mon père a passé plus de la moitié de sa vie à l’étranger, dès sa naissance, il est parti en Argentine puis à New York. En fait, mon père ne connaissait la France que de l’étranger. C’était un immense voyageur, il aimait en particulier les traversées sur les paquebots et voir et décrire la France de l’étranger c’est ce qui fait aussi l’ADN d’Astérix. » 

Fabcaro explique comment il a choisi la destination : « Déjà par élimination : j’ai pris la liste des destinations où ils s’étaient déjà rendus et le le champ des possibles commence à se réduire. Je suis tombé sur le Portugal et j’avais envie d’un album lumineux avec de l’eau, du soleil, des couleurs, des lumières… j’avais envie de partir en vacances en scénarisant —c’est un peu égoïste— j’ai proposé ça et tout le monde était emballés. » 

La carte des voyages avant la nouvelle destination ©Les éditions Albert René

Anne Goscinny cite son père qui parlait justement de ces voyages et de l’impact qu’ils avaient : « Je suis sollicité de partout. Si je voulais, je pourrais faire le tour du monde à l’œil. On m’écrit, on m’invite, etc. Naturellement, je ne marche jamais.

Astérix n’est ni un guide de voyage ni un dépliant touristique. Quand l’inspiration me prend de situer l’histoire dans tel ou tel pays, on y va incognito, Uderzo et moi. On ne s’annonce jamais et on regarde, on prend des photos, des croquis, des idées et les gens ne comprennent pas quand ils savent qu’on va faire quelque chose sur eux, sur leur pays. Ils s’imaginent toujours que cela sera un livre à leur gloire. Inutile de préciser qu’ils ne sont pas toujours contents lorsqu’ils voient le résultat. »

Caricatures, clichés & clin d’œil 

Le scénariste poursuit « Ce n’est pas évident d’éviter les clichés quand on fait un album de voyage avec les spécificités du pays en essayant de trouver la petite caractéristique qui accroche. C’est l’héritage des créateurs Albert Uderzo et René Goscinny : c’est de l’humour bienveillant, on rit ensemble, on ne rit pas de. Et je me suis posé la question, au Portugal quelle pourrait être la porte d’entrée pour nous ? Et je suis tombé sur quelque chose qui n’existe pas ailleurs : la saudade. C’est cette espèce de mélancolie, je ne sais pas comment le définir, de tristesse gaie. [Didier Conrad parle de désespoir amusé quand on l’interroge.] Et le challenge était de transformer quelque chose d’un petit peu mélancolique et en faire un gimmick de comédie. »

Pour ce faire, le scénariste est parti en repérage avec Céleste Surugue comme le raconte Fabcaro : « On est parti en voyage, à mi-scénario. On s’est dit que ce serait pas mal d’aller prendre la température sur place, voir si on pouvait prendre l’âme du pays et surtout pour ramener de la doc pour Didier. On a pris des photos partout, pour qu’il ait de la matière. Ça nous a beaucoup servi. » 

Didier Conrad resté chez lui, au Texas, continue : « J’ai travaillé à partir de ces photos et pour tout ce qui était d’époque, j’ai cherché sur internet et il y avait pas mal de choses. »

Une couverture internationale 

Du storyboard au dessin final ©Didier Conrad / Fabcaro / les éditions Albert René

Interrogés sur la couverture, sa conception, ses symboliques & son cahier des charges Céleste Surugue explique : « Sur une couverture, on a 3 choses en tête. La première, c’est de respecter la tradition, d’être dans les codes d’un album d’Astérix : ce code du blanc, ce jeu sur la typographie du titre. Et on s’est permis un petit clin d’œil à Astérix en Corse, avec ces deux personnages qui viennent vers nous.

Deuxième critère, marquer sa différence, marquer la nouveauté, en particulier par rapport à l’album précédent. Et puis, bien sûr, il faut que ça soit évocateur du contenu, que ça donne envie d’ouvrir l’album. Comme disait Fabrice, on voulait quelque chose d’ensoleillé, de lumineux. Et on passe le ballon à Didier, qui vient avec propositions et marque l’essai. »

La couverture provisoire non retenue ©Didier Conrad / Fabcaro / les éditions Albert René

Didier Conrad enchaîne : « C’était assez simple : j’avais deux propositions et les deux ont servi. La première, c’était sur les pavés avec les poissons —je l’ai quasiment reprise de quelque chose d’authentique, qui existe au Portugal. J’ai changé l’angle même si je n’en connais pas les proportions— et ça, ça faisait une belle couverture graphique. C’est celle que je  préférais, parce que c’était plus esthétique. Par contre, effectivement, ça intrigue, mais ça n’informe pas beaucoup. Donc c’était parfait pour une annonce.

La deuxième était plus traditionnelle, elle a l’air de plaire, les couleurs ont été bien réussies [réalisées par le collaborateur historique d’Uderzo, Thierry Mébarki], ça donne quelque chose d’assez joyeux avec des maisons bien colorées. On ne peut pas confondre avec une autre destination. »

Au sujet des 5 millions d’exemplaires et des 19 langues et dialectes, Céleste Surugue remercie ses équipes : « parce que les traductions, ça n’a l’air de rien, mais pour sortir toutes ces traductions en même temps, s’assurer de la qualité des traductions, c’est un travail titanesque. »


J’espère que ces coulisses et extraits d’interview, vous aideront à vous faire un avis sur l’un des titres les plus commentés de l’année, n’hésitez pas à donner le vôtre en commentaire ! 

Astérix en Lusitanie de Fabcaro & Didier Conrad, éditions Albert René


Tous visuels sont ©les éditions Albert René sauf mention contraire
Photos ©Thomas Mourier

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