Après le fantastique Aria (coup de cœur ici) et l’enrichissant Blissful Land (coup de cœur ici), poursuivons notre voyage des mangas propices à la détente avec Au Grand Air, un titre au cadre bien plus familier. Ici, il sera question avant tout de camping de biens des manières, mais toujours dans la bonne humeur. Le concept de Au Grand Air ne révolutionne pas le genre tranche de vie adolescente mais la formule « lycéens pratiquant telle activité » reste toujours aussi efficace. Surtout que la série provient d’une série de magazines dont c’est la spécialité, les Manga Time Kirara, qui publient bon nombre de titres du même apanage (Slow Loop, Anima Yell!, Asteroid in Love…), la plupart inédits en France. La recette est donc bien rodée et son auteur Afro sait pleinement l’exploiter. À l’énergique insouciance caractéristique de cet âge se mêlent savamment bien des aspects plus modérés entre vie de famille, petits boulots et autres galères de lycéennes. De quoi ancrer son récit dans la réalité, mais avec un regard plein de fun et d’enthousiasme.
Le manga nous fait suivre Rin Shima, une lycéenne passionnée de camping, grâce à son grand-père. Elle aime s’organiser des petites escapades le temps d’une nuit pour profiter des nombreux campings qui jonchent sa préfecture de Yamanashi. Un cadre idéal dans lequel le Mont Fuji est visible d’à peu près partout, qui devient un repère central du récit. Un loisir que la jeune fille ne sera pas seule à pratiquer, des camarades de son lycée partageant ce même intérêt pour des expériences diverses.
Le camping pour tous les goûts
Le titre profite en plus d’une joyeuse bande plutôt hétéroclite, avec des profils parfois diamétralement opposés. C’est le cas de Rin, fille taciturne appréciant la solitude. Une personnalité qui contraste avec l’autre personnage principal du manga, Nadeshiko, une extravertie surexcitée. L’entente entre les deux jeunes filles sera complexe au début, Nadeshiko semblant totalement incompatible avec les habitudes de camping en solo que Rin affectionne tant. Mais le manga va se jouer de ces différences pour construire autour en louant diversité et tolérance. Chacune va essayer de mieux connaître l’autre pour comprendre son point de vue. L’écriture ne cherchera pas à mettre en tort tel ou tel personnage pour plutôt valider chacune de leurs visions. Ainsi, l’une s’ouvrira au camping en groupe tandis que l’autre s’essaie au solo.
Le titre prône à sa façon la diversité dans l’appréciation d’une même passion, une bienveillance visible dans d’autres titres comme Sexy Cosplay Doll (coup de cœur dispo ici). L’auteur prend bien garde à ne hiérarchiser d’aucune façon telle ou telle approche et met plutôt en avant leurs bienfaits différents. Cette ouverture contribue à l’atmosphère légère du manga, qui ne manque pas d’humour : comédie discrète, subtile, qui se jouant davantage de situations ou réflexions amusantes que peuvent avoir les personnages. Cette écriture plutôt contenue donne du crédit au récit, en l’éloignant d’aspérités un peu trop idéalisées d’autres œuvres du même genre. Les interactions entre les personnages sont naturelles sans être exagérées, avec des relations qui se construisent sur le temps. Si vous avez du mal avec ces titres où tout le monde devient meilleur ami après 3 chapitres, alors vous apprécierez la simplicité de Au Grand Air sur ce point.
Tout le plaisir du plein air en manga
Au Grand Air déborde également de vie par son dessin, particulièrement son character design. Afro a son style pour offrir des figures mémorables, notamment le personnage d’Inuyama et ses gros sourcils qui défient toute loi de la physique (de quoi rappeler le personnage de Tsugumi dans K-on!, un autre titre prépublié dans les magazines Kirara). Le contexte hivernal et alpin du titre favorise également les tenues bien épaisses, ce dont l’auteur ne se prive pas en fournissant d’épaisses couches de pulls et autres lainages à ses personnages. Il en va de même pour les accessoires, comme l’écharpe de Rin devenue iconique. Les têtes rondouillettes bien appuyées par leurs épaisses couches de vêtements, rendent d’autant plus savoureuses leurs expressions cartoonesques, jouant autant sur le côté mignon que comique. On appréciera également sa colorisation pour ses couvertures et pages couleurs, avec de jolies teintes sobres et chaleureuses.
Afro possède aussi un certain talent pour dépeindre ces activités de plein air. Ses planches mettent régulièrement les paysages en vedettes avec de larges panoramas et varient les angles pour apporter du dynamisme à ces escapades. L’usage d’effets, comme celui du fish-eye, est régulièrement sollicité, surtout quand il s’agit d’illustrer les personnages prenant des photos avec leurs smartphones. Des cadrages suggérant des selfies ou autres photographies sont tout aussi partie prenantes, transformant chaque voyage en véritable balade touristique. Le seul bémol à retenir serait la surabondance des trames, qui servent certes à bien marquer les ombrages et autres ambiances nocturnes assez présentes sur le titre, mais peuvent être inutilement chargées. C’est particulièrement visible sur les premiers volumes, l’auteur ayant par la suite davantage modéré cette technique.
Du cosy, partout
Sa patte sert néanmoins parfaitement son objectif qui est de faire vivre de vrais moments de détente au lecteur dans des cadres naturels. On suppose d’ailleurs une certaine pratique du camping par Afro lui-même, ainsi qu’une bonne connaissance de la préfecture de Yamanashi dont il est aussi originaire. Les aspects techniques du camping sont bien détaillés tout comme l’organisation de cette activité, ainsi que ses imprévus. Ce qui donne lieu à des situations qui font très « vécues », apportant du réalisme au récit.
Enfin, le titre prend un malin plaisir à jouer à fond sa carte du « cosy ». Plaids, chocolat chauds et de bons plats mijotés sont les ingrédients indispensables du titre qui semble se dérouler dans l’hiver éternel le plus chaleureux de la bande dessinée. Tout comme déambuler sur la route du camping à la découverte des spécialités locales et des spots à voir, avec une nonchalance affichée. Des plaisirs simples, à apprécier seuls ou à partager en groupe, qui donnent tout son charme reposant au manga.
Avec sa bonne humeur communicative et ses épopées touristiques, Au Grand Air prend des airs de vraies vacances en manga. Une lecture redoutable qui pourrait redonner des envies de balades aux plus casaniers.
Au Grand Air, par Afro, Nobi Nobi
Traduction par Yohan Leclerc
© 2017 afro by HOUBUNSHA CO.,LTD., Tokyo
