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Incontournables
par Baptiste Gilbert - le 24/11/2023
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par Baptiste Gilbert - le 24/11/2023

Adieu Eri, concentré de Tatsuki Fujimoto

Tatsuki Fujimoto livre un nouveau one-shot où il revient à la sève de ce qui constitue son œuvre. Un récit superbement construit d’à peine 200 pages, bluffant d’originalité et de profondeur.

Adieu Eri suit le personnage de Yûta, un adolescent passionné de cinéma, dont la mère est atteinte d’une grave maladie. À la demande de cette dernière, il la filme jusqu’à son décès. Une épreuve difficile, à laquelle s’ajoute une très mauvaise réception critique du film qu’il en a tiré. Mais alors qu’il pense au suicide, arrive dans sa vie Eri, une adolescente cinéphile comme lui, qui l’encourage à créer une nouvelle œuvre… 

Les lecteurs de Fire Punch et de Chainsaw Man le savent, Tatsuki Fujimoto est passé maître dans l’art de développer des personnages à la marge plus ou moins dérangés, qu’ils soient torturés, manipulateurs ou un peu des deux. Et surtout, de dévoiler leurs névroses de manière brute, presque anodine, sans chercher à être mystérieux ou grandiloquent. Ce one-shot Adieu Eri ne fait pas exception.

Pourtant, et c’est là que Fujimoto fait preuve de toute sa subtilité, ce n’est pas le cœur de son œuvre : au fil de son récit il distille des moments de poésie qui sont, au final, ceux qui restent en mémoire lorsqu’on repose l’album.

Déclaration d’amour au cinéma

© 2022-2023 Fujimoto Tatsuki, Shueisha / Crunchyroll

Autre aspect que retrouveront les lecteurs de ses précédentes œuvres : Tatsuki Fujimoto est un passionné de cinéma. Si cette passion se retrouve constamment dans sa mise en scène, dans ses dialogues, dans ses personnages et dans les références directes qu’il fait à certaines œuvres, jamais elle n’avait été si centrale que dans ce Adieu Eri. Là où le manga était le moteur de son précédent one-shot Look Back, c’est ici le cinéma qui en constitue le fil rouge. Un régal pour les amoureux du 7e art.

Cet élément cinématographique est poussé dans la forme avec un point de vue principalement à la première personne, à travers les yeux ou la caméra de Yûta, et un effet de flou qui souligne les séquences « filmées ». Des méthodes simples, mais qui permettent d’installer un filtre supplémentaire entre les lecteurs et l’action, et de brouiller les frontières entre la fiction élaborée par Yûta et la réalité de ce qu’il vit. 

Comme ses protagonistes qui s’efforcent d’élaborer un scénario solide et cohérent pour le film, Fujimoto construit son récit de manière exemplaire, en développant peu à peu les personnages et leurs relations jusqu’à des révélations finales très réussies.

Mais les personnages hauts en couleur et le contexte cinématographique, s’ils ont déjà un intérêt en tant que tel, prennent toute leur richesse grâce à ce qu’en fait l’auteur : avec toute l’originalité et le décalage qui le caractérise, Fujimoto explore ici les thèmes fondamentaux du rapport à la mort, au suicide, à la vie, et y ajoute une réflexion sur le pouvoir des images et la manière dont elles peuvent réinventer ou dissimuler la réalité.

Adieu Eri est un concentré de ce qui fait le sel de l’œuvre de Fujimoto et qui l’a élevé, en un peu plus de 10 ans de carrière et à 29 ans seulement, au rang des plus grands mangakas de son époque : une profondeur dans le propos qui s’installe avec simplicité, et un style ultra-référencé dont il tire paradoxalement une originalité à toute épreuve.

Adieu Eri de Tatsuki Fujimoto, Crunchyroll


Toutes les images sont © 2022-2023 Fujimoto Tatsuki, Shueisha / Crunchyroll

© 2022-2023 Fujimoto Tatsuki, Shueisha / Crunchyroll
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